"Et je ne me sentais que plus belle, désirable et amoureuse ces fers ainsi passés à mes poignets, le fouet claquant mes reins."
Libération sexuelle ou pas, le SM n'a sans doute jamais été aussi à la mode au cinéma que dans les 70's, avec l'explosion de la sexploitation, du porno et du Pinku au Japon. Entre la strangulation érotique de L'empire des sens, l'exploration quasi-documentaire du milieu dans Maîtresse, les nombreuses adaptations de Sade, les jolies plantes ligotées de Robbe-Grillet, les amours bizarres de Portier de Nuit ou de Liza, Marlon Brando se mettant au bondage dans Le corrupteur...le choix est vaste, et il y a de quoi ridiculiser toute une génération de Fifty Shades of Grey.
Adaptation opportuniste et vaine, Histoire d'O ne redorait pas vraiment le blason du genre, éclipsant au passage quelques oeuvres bien plus avisées sur le sujet. Un an auparavant, The image frappait bien plus fort et donnait l'occasion à Radley Metzger, un spécialiste de la sexploitation qui s'était déjà penché (gentiment) sur le sujet avec Camille 2000, de passer à la vitesse supérieur avec un sujet plus piquant, en adaptant un roman de Catherine Robbe-Grillet, femme d'Alain et prêtresse SM littéraire (et pas que).
Pendant près d'une demi-heure, The image a la saveur surannée mais un peu ringarde des ero-soft de son époque, partagé entre son décor de carte postal (ici Paris) et sa mise en scène démago (la voix off du héros, insupportable, raconte tout ce qui se passe à l'écran). On y suit un séducteur du dimanche entraîné par une ancienne maîtresse et son esclave, une jolie mannequin qui doit se plier à toute les volontés de la vilaine bourgeoise sadique. Ce qui le distingue déjà d'une majeure partie des films coquins, c'est l'utilisation du 35 mm, qui nous fait vite oublier qu'il s'agit d'un simple film hard. Une classe qui s'explique aussi par la présence de Robert Lefebvre, un des plus importants chef-op français ayant planché, entre autres, surCasque d'or.
À Metzger de nous prendre presque par surprise, le temps d'une séquence suffisant à renverser la vapeur, à savoir une scène de triolisme sado-maso brûlante comme l'enfer. Une sorte de pivotement où les héros décident enfin d'aller plus loin que les petits humiliations de rigueur. Un grand moment, si incendiaire que le film ne s'en relève pas toujours. Mais il y a du souffre et de l'élégance dans cet objet chic et choc qui claque comme un fouet.
Encore antérieur, La punition cherche moins à se consacrer en objet excitant et masturbatoire, voguant vers un récit plus glauque et brutal. Empressé, bizarroïde, quasiment psychédélique, le film du mystérieux Pierre Alain Jolivet se balance entre plusieurs temporalités : la fuite d'un couple d'un côté, et ce qui les a amené à prendre la poudre d'escampette de l'autre.
Plantureuse, un peu maussade, Britt est prostituée par un trio infernal, dont son amant est l'investigateur. Mais décevant un client récalcitrant qui demande qu'elle soit « dressée », la jeune femme est emprisonnée dans une maison de campagne isolée, couverte de feuilles mortes et hantée par des hurlements incessants. Là, elle devra recevoir ses nombreux clients et satisfaire leurs demandes...
La punition n'est donc pas ce qu'on pourrait qualifier de "film de charme", tant le ton est triste, violent et surréaliste, avec ses soirées mondaines filmées comme un cauchemar, son héroïne martyr et son climat à la limite du fantastique. Jolivet fignole un objet bizarre, d'où surgisse des plans superbes, des moments d'hystérie secouants (une scène de viol au milieu d'une fête) mais surtout une mélancolie qui suinte de partout, de la musique (hallucinante) de Bookie Binkley au regard perdu de Karin Schubert.
La manière dont cette ex-starlette des seventies s'offre à l'écran est sans doute ce qu'il y a de plus bouleversant à l'écran : dans ses sanglots, qu'on jurerait authentique, on aperçoit déjà la descente aux enfers que l'actrice vivra quelques années plus tard pour sauver son fils toxicomane, avec une escalade dans le porno qui froissera à jamais son corps et son âme. C'est dire si cette "punition" va au delà de la simple curiosité déviante, pour se changer presque en lettre de désespoir.