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Channel: Mais Ne Nous Délivrez Pas Du Mal
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Les Prédateurs (1983) Tony Scott : La Soif du Mal

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Etonnante et tragique annonce que le suicide du réalisateur Tony Scott, révélant au passage le regard condescendant voire méprisant que lui jette la critique ; dès lors, une filmographie sentant bon la poudre et les gros sous ne lui a jamais empêché de maîtriser l'art du visuel aussi bien que son frère Ridley Scott et de signer de grands films : outre un True Romanceépaulé par Sir Tarantino, il fallait parler indubitablement des Prédateurs, qui évoque à lui seul toute la mélancolie qui semblait se cacher derrière l'un des rois du blockbuster enflammé. 

Le plus fou avec cette adaptation de Whitley Strieber (dont la Warner avait porté à l'écran son Wolfen deux ans plus tôt), c'est que l'univers qu'elle met en scène va entièrement à l'encontre de tout le cinéma de Scott, tout en confirmant son goût pour une esthétique particulièrement léchée, que beaucoup qualifieront de "clipesque". A ce titre, toute l'introduction muette est un incroyable montage parallèle qui laisse parler davantage les images, décadentes et violentes à souhait, mêlant les sonorités d'un score oppressant et la musique caverneuse de Bauhaus. Enfermé dans sa cage à néon, Peter Murphy y scande alors Bela Lugosi's is dead. Car en effet, les vampires dépeints par Scott, les fameux prédateurs, n'ont plus rien à voir avec le comte Dracula...


Bien avant Génération Perdue (le pendant djeuns) et Near Dark (le pendant western), Les Prédateurs décrivait déjà la présence d'une civilisation vampire se fondant dans la masse, où ceux-ci avaient quitté leurs châteaux depuis longtemps pour arpenter les night-clubs et les appartements new-yorkais. On ne craint plus le soleil, on ne sort plus les crocs : de créatures surnaturelles, l'on saute la case de l'effroi légendaire pour contempler le train-train de beaux assassins ne voyant plus le temps passer.

Dans un univers bourgeois au parfum de mort, Bowie et Deneuve forment un couple accomplissant leur devoir meurtrier depuis trois siècles. Elle, Myriam, est une supposée ancienne prêtresse égyptienne, pendant féminin du Lestat de Rice. Lui, John, a rencontré sa belle à la cour, il y a bien longtemps. En se jurant un amour infini, ils ont acquiert à leur tour à la jeunesse éternelle. Mais Myriam se détache de son amant, qui commence dès lors à vieillir, lui préférant une doctoresse dont les travaux portent justement sur la dégradation du temps sur les êtres vivants.


Alors que des lumières crépusculaires hantent chaque scène (bien que la dernière copie en date lui préfère l'obscurité glacée), Les Prédateurs se mue en poème vampirique fatal, n'oubliant jamais la cruauté de son propos (Bowie, agonisant sous les rides, égorge une petite violoniste) et la beauté de son romantisme tendance saphique. 
Comble du fantasme lesbien, l'étreinte entre Deneuve et Sarandon évoque le trouble érotique des Femmes Damnées de Baudelaire. Schubert, Delibes, Ravel : avant ses grosses machineries, Scott prouvait qu'il était capable d'une préciosité touchant au sublime,  alliant horreur romantique et grâce vaporeuse. 




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