* Tristesse club, de Vincent Mariette :
Des funérailles au fin fond de la campagne deviennent le prétexte d'un jeu de cache-cache drôle et inquiétant, un peu comme si une comédie à la Blier se retrouvait subitement hantée par Polanski. Dominé par deux faux-frères ennemis ( Laurent Laffite et Vincent Macaigne, exceptionnels) flanqués d'une demi-sœur sortie de nulle part, le résultat détonne très largement dans le petit monde la comédie française, trouvant le parfait équilibre entre l'inquiétant et le truculent (contrairement à l'imbitable Tip Top), entre quelque chose de populaire et d'arty. De superbes images au cordeau, une b.o hypnotique et une mélancolie jamais toc, qui frappe là où on l'attendait plus. Une excellente surprise.
* Aux mains des hommes, de Katrin Gebbe : Avec un goût pour le fait divers sordide proche d'Urich Sedl (mais sans la distanciation froide), Tore Tanzt fait fort. Peut-être un peu trop sans doute. Son sensationnalisme écœurant (plutôt proche de Lars Von Trier) secoue, n’épargnant rien en décrivant le martyr d'un Jesus Freak (ses jeunes illuminés au look de metalleux) candide, atterrissant entre les mains d'un père de famille sadique. Comme on dit « si quelqu'un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi la gauche » : effet pervers de la loi du plus fort, dans une escalade terrifiante qui nous rappelle que les pires monstres sont sûrement nos voisins, ou simplement nous. Katrin Gebbe, pour une première réalisation, va loin, très loin. C'est à la fois épatant et nauséeux, intolérable et puissant. À vous de voir si pourrez supporter le voyage...
* Xenia, de Panos H Koutras : Après l'exubérant et « edwoodien » Attaque de la moussaka géante, on avait compris que Koutras allait se tourner vers quelque chose de plus rigoureux, tout en continuant à exalter un parfum de liberté proche d'Almodovar. La cavalcade de deux frères (un teen enfantin et homo, et un chanteur viril) à la recherche de leur père mange à tous les rateliers grecs, à la fois odyssée et (presque) tragédie, tout en décompressant à coup de Patty Pravo et de Raffaela Carra. Bien que trop long, le résultat alterne malice, gravité et fantaisie, quand il faut, où il faut. Sans oublier de jeter un regard inquiet et pertinent sur la crise que traverse la Grèce.
* Le conte de la princesse Kaguya, de Isao Takahata : Lorsque Ghibli sonne le glas de ses auteurs fondateurs la même année, ça fait chaud au cœur. Mais lorsque les dits auteurs sont loin de livrer leurs plus grandes œuvres, que devrait-on dire ? A la manière du Vent se lève, Le conte de la princesse Kaguya est une œuvre choyée, inattaquable et soignée de sa première à sa dernière image. Pourtant, on ne peut s'empêcher d'y voir, plus que le chef d'oeuvre définitif de son auteur, uniquement un joli conte, allongé ici jusqu'à plus soif. Alors que l'émotion passe étrangement plus par la musique de Hisaishi que par les personnages, on en garde surtout l'amertume de Takahata (et sa verve écolo) qui soulève les maux de la condition féminine à travers le regard d'une princesse extraordinaire élevée par des humains.
* The Rover, de David Michod : À la manière de The Day, on serait tenté que voir The Rover comme un spin-off inavoué de La route, lui empruntant les mêmes sentiers boueux, le même désespoir, le même monde post-apo plongé dans le mystère et la vermine. Et la présence de Guy Pearce, acteur fétiche de John Hillcoat, ne fait que confirmer la filiation fantomatique. Mais loin de ressembler à une pâle copie de son prédécesseur, The Roveroppose un homme sans nom et un groupe d'outsiders venu piquer sa voiture : prenant en otage un des leurs laissé pour mort (saisissant Robert Pattinson, en simple d’esprit pas si simple), il tente le tout pour le tout. Dans un monde charogne traversé de points d’interrogations incessants et inconfortables, le réalisateur d'Animal Kingdom distille un lent poison, jusqu'à une révélation finale poignante, dont la préciosité et la beauté tranchent au milieu des gunfights poisseux et des regards lourds.
* Palo Alto, de Gia Coppola : Après le fils et la fille Coppola, la petite fille ! Et pour ne pas changer de la tradition familiale, la jeune Gia aborde la dérive adolescence, sujet bien connu de Francis et Sofia Coppola. Alors que le casting prolonge l'effet famille (Emma Roberts, nièce de Julia et Jack Kilmer, fils de Val, tous deux très bons), tout le reste a bien du mal à convaincre, filmant des errances juvéniles sans apporter quoique ce soit de nouveau à l'édifice. Pas vraiment drôle, pas vraiment choquant non plus, et assez peu touchant : à croire que la vision de l'irritant Bling Ring n'avait pas suffi.