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Channel: Mais Ne Nous Délivrez Pas Du Mal
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Penny Dreadful, Saison 1 (2014) British Horror Story

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Au pays de la série tv horrifique, les choses bougent lentement, mais sûrement  : alors que la série de Guillermo Del Toro, The Strain, compte mettre les pieds dans le plat cet été et qu'American Horror Story continue sa belle progression, True Blood s'enterre. Après (l'horrible) conclusion de Dexter et un très lointain Masters of Horror, on se demandait ce que la chaîne Showtime allait mijoter de son côté : c'est donc avec une certaine discrétion que se dévoile Penny Dreadful, entretenue par John Logan, producteur et scénariste prisé (Eastwood, Scorsese, Burton, Mendes, Spielberg...). Dans le fond, on pense à l'acte manqué d'Eli Roth avec Hemlock Grove, un Twin Peakshorrifique où se réunissait vampire et loup-garou. Plutôt que de moderniser, Logan remonte à la source : quelque part, dans les rues malfamées et brumeuses de Londres, dans la crasse et le mystère...


Compte tenu de l'époque et des personnages choisis, le concept louche vers une variation « creepy » de La Ligue des Gentlemen extraordinaires : soit une réunion de mythes littéraires, qui devront lier leur destin et leur histoire. Jugez plutôt : l'explorateur Sir Malcom Murray tente de retrouver par tous les moyens sa fille (une certaine Mina Harker...) et réunit alors trois personnalités aux temporairement opposés : Ethan Chandler, (un Josh Harnett étonnant) un pistolero américain courageux mais secret; Vanessa Ives, une medium au passé tumultueux, et le savant Victor Frankenstein, qui planche évidemment sur sa chère créature. 

Bien entendu, les croisements ne s'arrêtent pas là : Dorian Gray ou Van Helsing sont également de la partie, Logan se livrant à un melting-pot référentiel diablement cohérent, où l'on parle encore de Jack l’éventreur dans les ruelles sombres, et où l'on va se divertir au théâtre du Grand-Guignol. Quant au titre de la série même, il renvoi à ses petites histoires d'horreur façon pulps avant l'heure, qui iront s'intégrer au récit en dénigrant bien entendu tout l'aspect fictionnel de leur contenu.


Bien dans l'air du temps, ce dépoussiérage en règle se fait alors sous le signe de l’excès, avec une emphase attendue sur le sexe (possession lubrique et orgie bisexuelle) et la violence gore. Mais ce qui pourrait être bêtement racoleur offre surtout la possibilité de se réinvestir dans des thèmes usés jusqu'à la corde, non sans succès. Ainsi, toute la relecture de Frankenstein est par exemple l'une des plus belles adaptation de Shelley jamais vu à l'écran : ce que confirme très vite les dernières images du pilote, lorsque la Prométhée post-moderne apparaît à son créateur, faisant naître l'émotion et l'horreur en quelques poignées de regards. Rory Kinnear y fait d'ailleurs des merveilles en monstre bafoué et shakespearien, dont les traits blêmes et le charisme bizarre semblent jaillir d'un film de Murnau.


Filmé avec grande classe (Juan Antonio Bayona s'est occupé des deux premiers épisodes), Penny Dreadful perd en efficacité ce qu'il gagne en profondeur : trop lente, la série patauge de temps à autre et ne passionne pas toujours. Difficile pourtant de renier cette intensité (volontairement?) théâtrale et le grand soin apporté au personnage : comme avec cet épisode entièrement consacré à Vanessa, figure maudite dont les souvenirs ressemblent à du Emily Bronté trash. Liant des scènes de possessions impressionnantes au traitement de l'hystérie établies à l'époque, la majeure partie des séquences mettant en scène Eva Green lui donne l'occasion de livrer une performance enfiévrée et hallucinante, qui justifie à elle seule la vision de la série. 

De belles promesses et des saillies de qualité quelques peu ternies par un dernier acte bâclé (reprenant sans effort certaines péripéties du pilote), sans doute menacé par le futur incertain de la série. Mais l'enfant monstrueux de John Logan étant reconduit pour une seconde saison, on reste impatient de savoir quels autres mythes seront exhumés et ramenés sur le droit chemin.


Quelque Part dans le temps (1980) Jeannot Szwarc : Nous nous sommes tant aimés

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Honnête faiseur passant d'insectes incendiaires (avec Bugs) au royaume du père noël (c'était Santa Claus) en l'espace de quelques années, Jeannot Szwarc a du donner beaucoup de cœur (et d'âme) pour l'adaptation du roman de Richard Matheson Bid Time Return. Bien avant que le voyage dans le temps devienne cool avec Retour vers le futur, et un an après C'était Demain, qui mettait en scène H.G Wells, Somewhere in time ne s’acoquine d'aucune mode. Quelque chose de l'ordre du petit miracle éphémère et singulier.

On aurait parié que le film aurait pu devenir, quelques décennies plus tôt, un grand classique du cinéma américain : collez Cary Grant et Grace Kelly, et le monde entier aurait sorti les mouchoirs pour cette romance (in)temporelle. Ironiquement, le film de Szwarc n'était peut-être pas de son temps : malgré son échec, il gagnera un certain respect, surtout outre-atlantique. Et c'est déjà ça.


Alors à son top (il sort tout juste de Superman), Christopher Reeves ne perd rien en élégance, même les pieds sur terre : il y incarne un auteur de théâtre comblé qui, le temps d'une soirée, voit une mystérieuse vieille dame venir à sa rencontre, ombre fanée parmi les autres. Quelques mots plus loin, elle s'efface et disparaît à jamais dans la nuit.
Des années plus tard, le jeune homme prend le large dans un splendide hôtel et tombe amoureux du cliché d'un actrice ayant séjournée au même endroit au début du siècle. Il apprendra bien vite que l'étrange vielle dame et la somptueuse créature sont une seule et même personne : Elise McKenna. Pour la retrouver, il traversera le temps pour revenir en 1912, espérant la croiser dans cet hôtel, là, quelque part...


Ce qui frappe le plus, outre la douceur incandescente qui habite le film de la première à la dernière image, c'est le renoncement à tous éléments futuristes et l'absence total d'effets spéciaux de toutes sortes. Voyager dans le temps, ce n'est plus galoper sur une machine farfelue : le personnage de Richard y parvient par l'auto-hypnose, dans un rituel étonnement tangible, à la limite du Proust reconfiguré. Et donc littéralement fascinant. Mais si l'argument fantastique englobe fatalement le métrage, c'est la romance qui emporte le morceau. L'amour suspend le temps...mais jusqu'à quand ?

Jane "Docteur Quinn" Seymour y est l'image parfaite de l'amour rêvé et gracile : elle n'a jamais été aussi resplendissante qu'ici, en comédienne médusée, bien que menacée par une figure d’imprésario jaloux un brin caricatural (Christopher Plummer en mode fronçage de sourcils et de moustache). Mais qu'importe pourvu que ces deux amants puissent se frôler dans les couloirs d'un majestueux hôtel estival, éconduits par la musique de John Barry, offrant des variations renversantes de la Rhapsodie de Rachmaninov.

Il vaut mieux être fleur bleu (ce qui ne veut pas dire niais) pour apprécier cette ballade, pour plonger dans ces regards qui se découvrent, et pour mieux mourir d'amour aussi. Somewhere in time semble traversé par l'idée, dépassée peut-être pour certains, de pureté : dans sa réalisation, dans ses actes, dans les yeux de ces personnages, dans ces intentions. Pureté amoureuse sans doute. Et quoi de mieux d'y retomber encore une fois ?


Boyhood (2013) Richard Linklater : Vis ma vie

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Autant dire que Richard Linklater aime filmer le temps qui passe : dans sa trilogie Before, il filmait un couple d'amoureux qui se perdait et se retrouvait sur trois décennies (1994, 2003 et 2013), reformant à chaque fois le tandem Ethan Hawke/Julie Delpy. En résultait une œuvre forte, douce, et attachante, où le temps même avait son emprise par delà la pellicule. Et qui sait dans dix ans, qu’adviendra t-il...

Pendant douze ans, le même homme a concocté dans son coin (tout en livrant d'autres longs-métrages) une oeuvre intitulée The 12 untitled twelve project, qui deviendra par la suite Boyhood. L'idée, encore plus folle que celle de Before, consiste à réunir le même casting une fois par an, et à filmer par petit bout l'enfance puis l'adolescence d'un garçonnet et de sa famille. Bien sûr, le film n'a de documentaire que l'évolution physique de ses comédiens, le reste tenant de la pure fiction. Un concept spectaculaire pour un résultat qui joue la carte de la simplicité et de la sérénité.


Ainsi la vie du petit Mason, qu'on verra de ses 7 ans jusqu'à ses 18 ans (soit de l'école jusqu'à la fac), n'a rien d'extraordinaire, ressemblant à la vie de millions d'autres personnes, traversée de bouleversements qu'on pourrait qualifier de banals (bien que tout cela soit relatif). Cette banalité devient la clef de l'oeuvre toute entière, débouchant sur une proximité et une familiarité incroyablement touchantes : Mason et sa famille, c'est vos voisins, vos amis, et peut-être nous dans une moindre mesure...

Dans un premier temps, Mason se révèle vite comme un enfant rêveur, calme, presque effacé, à tel point que sa sœur (hilarante Loreilei Linklater, fille du réalisateur donc) lui vole pratiquement la vedette ! Sans compter que tous les autres personnages ne sont pas laissés au hasard, en particulier les parents divorcés : lui (Ethan Hawke) éternel adolescent qui roule sa bosse et elle (fabuleuse Patricia Arquette), mère courage qui aura bien des déconvenues avec ses nouveaux maris. Plus Mason grandit et plus sa personnalité s'affirme, son personnage se dessine, avant de s'imposer totalement dans le paysage, faisant aussi du film un beau portrait doux-amer de la génération Y.

Linklater filme admirablement les petites choses de la vie, avec une drôlerie jamais envahissante et une émotion sans pathos, et rend vivant ce qui aurait pu être lisse. Sa gestion du temps s’accommode par des ellipses incroyablement discrètes (comme pouvait le faire autrefois Pialat dans À nos amours ou plus récemment Kechiche dans La vie d'Adèle) et c'est au spectateur de se resituer sur la boussole du temps, à travers de menus détails allant de la musique aux accessoires.


Accessoirement, il y a ce vertige, celui du temps qui passe trop vite, même sur 2h40. En ces douze années, on voit se succéder les rentrées, les déménagements, les déceptions, les potes, comment on passe d'une coupe de cheveux à une autre, de Bush à Obama, du premier amour à la séparation. Et à voir ses 12 années défiler, c'est peut-être aussi les nôtres qu'on finit par revoir : pince-coeur assurément, surtout lorsque ce n'est pas le héros qui fait naître le moment le plus bouleversant et censé du film, mais bien sa mère. Avec délicatesse, Boyhood ne se demande plus où va l'enfance, mais bien où va la vie.



LE BONUS :


Tarnation (2003) Jonathan Caouette : S'il fallait bien rapprocher un film de Boyhood, c'est bien Tarnation, dont il est certainement le pendant underground et dépressif. Tourné lui aussi au Texas, ce journal intime grinçant épouse la forme documentaire dans sa totalité, laissant son auteur Jonathan Caouette retracer son enfance et son adolescence à partir de vidéos et de bandes sonores collectées ça et là. Mais à l'inverse du héros de Linklater, Caouette a dû vivre une enfance infernale, ballotté dans des familles d'accueil tout en essayant de redonner vie à une mère brisée et ravagée par d'horribles traitements psychiatriques. Baroque, bouleversant, et d'une énergie dévastatrice (le film ressemble à s'y méprendre à un album photo shooté au LSD), Tarnation est une expérience rare qui vous retourne le cerveau et le cœur. Caouette tournera une suite en 2011, Walk away Renée, enrichissante côté retrouvailles mais un brin redondante, loin de la puissance de ce collage écorché vif.  

Cin'Express #11 - Juillet 2014

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* Big Bad Wolves, de Aharon Keshales & Navot Papushado  / Blue Ruin, de Jeremy Saulnier : Très étonnant de voir débarquer à une semaine d'écart deux films féroces avec la même note d'intention : apporter du neuf au film de vengeance. Ce qu'ils ne réussissent...qu'à moitié ! Grinçant mais facile, Big Bad Wolves ne laisse pas au hasard ses origines israéliennes, mais il faut avouer que cette séance de torture interminable (en l'occurrence celle d'un instituteur par de vieux briscards antipathiques) donne plutôt envie de revoir La jeune fille et la mort (ou Hard Candy) sur lequel il se calque sauvagement. Le torture porn ironique, ça plaît visiblement à Tarantino (qui a adoré) : grand bien lui fasse. De son côté, Blue Ruin et son héros à tête de Droopy tentent une approche plus terre à terre, en laissant les badass au placard. Malgré quelques scènes tendues et violentes, le résultat traîne un peu trop la patte pour constituer un véritable choc. Mais quitte à choisir, on lui préférera sans aucun doute sa version des faits, accordant patience, maladresse et fragilité, à l'inverse des croisades musclées habituelles.

* Dragons 2, de Dean Deblois : Belle surprise en son temps, Dragons trouve une suite à sa hauteur, et même plus encore. Si le premier était quelque peu handicapé par une structure galvaudée (deux êtres différents qui finissent par s'apprivoiser et à prôner la tolérance), ici l'univers de Berk trouve un nouveau souffle. De nouvelles créatures imposantes, des enjeux jamais dénués d'audaces, des scènes de vols grisantes et une maturité bienvenue (bien que déjà en germe dans l'opus précédent). Un passage à l'âge adulte autant pour son héros que Dreamworks. Pixar peut commencer à s'inquiéter...


* Palerme, de Emma Dante : Un couple de lesbiennes en route vers un mariage (et sans doute vers la séparation) a la malchance d'emprunter une rue étroite de Palerme, Via Castellana Bandiera. Au même moment, une vieille dame mutique et sa famille tente de passer : les deux conductrices refusent de céder, et c'est là que commence un duel pittoresque et cruel dans une Palerme rurale qui parle trop fort, où deux âmes vont s'élevées au milieu d'une société patriarcale. On sent l'écho théâtral de sa créatrice, mais l'apport cinématographique y est plus grand, toujours à la lisière du western et du cinéma italien des 70's (on pense forcément au Grand Embouteillage), nappé d'un sens de l'humour et de l'atmosphère qui emporte tout. Et il y a ce plan final, interminable, déchirant, qui vous laisse sur le carreau. Après Xenia le mois dernier, voilà encore un beau morceau de cinéma méditerranéen

* Ablations, de Arnold de Parscau : Un film de genre français catapulté en pleine été ? Vous avez dit "suicide" ? Se voulant thriller décapant et tordu, Ablations souffre d'un mal très répandu dans le ciné de genre hexagonal : il voile à peine une structure maladroitement étirée, à savoir celle d'un court transformé en long. Malgré la présence linoventuresque de Denis Menochet (tentant de retrouver le rein qu'on lui a volé) et la contribution très discrètement grolandaise de Benoit Delépine au scénario, l'écriture s'enlise au fil du métrage, malgré quelques jolis plans.


* The Raid 2 - Berandal, de Gareth Evans : À l'origine, ce Raid 2 devait être le premier vrai coup d'éclat de son réalisateur Gareth Edwards, qui finit par faire fusionner le défunt projet Berandal avec le scénario du premier The Raid, petite bombe d'action hargneuse dont la générosité se retournait rapidement contre lui. Rebelote donc, mais exit le huis clos, et bonjour une fresque mafieuse (de presque 3h!) lorgnant sans plus attendre sur Le syndicat du crime. Il faudra donc compter sur des scènes d'actions toujours aussi monstrueuses, s'offrant ici une variété bienvenue (duel sanguinolent dans une cuisine, personnages de manga comme la fameuse Hammer Girl et son pote, course-poursuite en voiture, mutinerie de prisonniers dans la boue...) au milieu d'une tragédie à l'écriture encore trop rigide. On espère qu'Evans saura rectifier le tir à l'avenir, en particulier vu ses ambitions grandissantes.

* Mister Babadook, Jennifer Kent : Arrosé de prix au dernier festival de Gerardmer, ce Babadook n'inspire guère de sympathie au premier abord, liposuçant des thèmes et des situations déjà vus dans Poltergeist, Les griffes de la nuit, L'orphelinat, Mama, Insidious...mais finit vite par s'en extirper.. Le secret ? Un argument dramatique prédominant et très réussi, où une mère de famille perd pied face au comportement perturbant et perturbé de son fils (ici volontairement insupportable). Un portrait de femme au bord du gouffre dépeint sans fard (solitude sexuelle, deuil...) introduisant un élément fantastique parfaitement flippant (un croquemitaine issu d'un mystérieux livre) et dérivant vers une descente aux enfers polanskienne à souhait (on ne sait plus ce qui est de l'ordre de l'hallucination ou du réel). Mais l'argument fantastique patine dans une dernière partie grotesque (citation envahissante de Bava ou de Shining), se concluant sur une métaphore facile et peu convaincante. On était pas loin de retrouver la clef de la réussite de Candyman, qui croisait aussi destin de femme douloureux et mythe monstrueux.

* American Nightmare 2 : Anarchy : James DeMonaco : Ambiance loupée, personnages casse-pieds, effets faciles : autant dire que la première monture de The purge n'était pas loin d'en être une. Toujours aux commandes, DeMonaco brise le huis clos et s'en va rejoindre le monde assez fermé du survival urbain (citons pour la forme The warriors, La nuit du jugement ou Siege), avec une intrigue se déroulant cette fois dans les rues de L.A un soir de purge, là où tous les crimes sont permis. Plus aéré donc, et un poil plus maîtrisé, du moins pendant une demi-heure : casting sans saveur, bonnes idées mal exploitées (les bourgeois organisent des party où on chasse les pauvres comme Zaroff), ni fun, ni tendu, toutes les bonnes intentions s'enlisent pour en arriver au même point que son prédécesseur ; pas détestable, mais raté.

[Let's Play] Déclaration d'indépendance : 15 OVNI du jeu vidéo indé

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Avec GOG ou Steam, anciens et nouveaux jeux se mélangent, dégringolent et se succèdent à un rythme effréné. Parmi eux, une nouvelle vague de jeux indépendants, qui tente de s'imposer dans le monde impitoyable du jeu vidéo : bizarres, inconvenants, expérimentaux, hilarants...ils ne font rien comme les autres, et c'est sans aucun doute pour ça qu'ils méritent - parfois plus - un coup d'oeil. Et pour moins de 15 euros, certains redonnent clairement foi dans l'industrie vidéo-ludique. Suivez le guide :

* Gone home (2013) The Fullbright Company : Nous sommes en 95 ; Katie rentre chez sa famille après quelques voyages estudiantins. En guise d'accueil chaleureux, elle ne trouve que la grande maison familiale vide. Dehors, l'orage gronde et la maisonnée est plongée dans l'obscurité... D'un point de départ de survival horror très "indé" (ça tombe bien me direz vous), Gone Home dévie, se métamorphosant en quête intimiste et déceptive qui fait plus part à la nostalgie qu'aux frissons (que le joueur finira par s'inventer). Et même s'il serait mentir de reconnaître que le récit déployé soit renversant, on y resonge volontiers, avec cette sensation presque vertigineuse d'avoir plongé dans un quotidien qui n'était pas le notre. Une très belle expérience.


* Jazzpunk (2014) Necrophone Games : Dans un univers de carton-pâte où tous vos congénères ressemblent à des pions, vous voilà projeté dans une intrigue d'espionnage qui n'a, et n'aura, ni queue ni tête. Il est assez délicat de parler du cas Jazzpunk, ovni certes court mais rempli à ras bord d'easters eggs et de gags non sensiques que n'auraient pas renié les Monty Python. Vous aurez donc l'occasion de faire des combats de coussins, d'allumer un mixer jacuzzi, d'incarner un chat féroce, de vous travestir (pour ensuite faire des bisous à tout le monde), de jouer à un jeu de pizza horrifique ou de flinguer des mariés avec une bouteille de champagne. Et si tout ça vous semble flou ou improbable, c'est normal. Soyons clair : Jazzpunk est sans doute le jeu le plus drôle de l'année, et sans doute au delà.



* Nidhogg (2014) Messhof : Qui a dit qu'un jeu de combat avait besoin d'être beau ? Alors que sur les consoles de next-gen, le genre peine à bouger ses fesses, Nidhogg croise plates-formes et jeu de duel (façon cape et épée) dans un résultat à la fois bizarre et exaltant. Dans un pixel art jamais avare en détails incongrus, il faudra courser et éliminer un certain nombres de combattants dans des tableaux déglingués, mais à l’énergie et à la violence redoutables. Comme si Barbarians, sous l'influence d'Alexandre Dumas, se retrouvait shooté au LSD.


* The Stanley Parable (2013) Galactic Cafe : Vous voilà dans la peau de Stanley, un bureaucrate qui adore sa vie et son boulot horriblement répétitif. Un jour, tout s'arrête, et l'on doit aller plus loin que son bureau pour découvrir le pourquoi du comment, ou presque. Une voix off au flegme éloquent commente aussi bien vos faits et gestes que votre chemin à suivre : reste à savoir si vous avez envie de l'écouter...ou pas ! Malgré ses airs de fable à la BrazilThe Stanley parable pousse le bouchon un peu plus loin et joue la carte du conte méta, dont l'issue sera forcément différente selon les chemins empruntés. Nanti d'un humour savoureusement décalé, baignant dans une atmosphère alternant douceur et bizarrerie, l'expérience n'est pas sans rappeler un certain Portal, balayant la froideur apparente par l'absurdité, et surtout par pas mal d'intelligence. Même sa démo cache en réalité un niveau alternatif qui résume assez bien la nature maligne et imprévisible du soft.


* Hotline Miami (2012) Dennaton Games : Objet aussi défoulant que malsain rapidement labellisé "culte", Hotline Miami a trouvé habilement le moyen de surfer sur la vague rétro 80's, entre palmiers fluos et vidéo-club borgnes. Piochant autant du côté de Drive que de Killing Zoe, le jeu des petits malins de Dennaton contourne l'aspect primaire de ses graphismes par une violence outrancière, où l'on traverse masqué des bâtiments dans l'espoir d’exécuter sauvagement des malfrats peu recommandables. Tendu, énergique et barbare comme une bonne vieille série b, le résultat est épatant.


* Divekick (2013) One True Games Studios  : Un peu vu de haut en raison de son potentiel parodique, Diveckick est peut-être le jeu de combat le plus original et le plus drôle vu depuis...ben justement, on cherche. Ici, il suffit de deux touches pour mener le combat, forçant le joueur à trouver toutes les tactiques possibles pour sauter et choper son adversaire en un coup. Le tout avec des personnages recyclant les stéréotypes du genre (chinoise hystérique, thug sensible, chuck norris du pauvre, loup-garou viril...) avec un humour aussi absurde qu'efficace.


* Goat Simulator (2014) Coffee Stain Studios : Une grosse blague visiblement très inspirée des lolgoats du net et qui offre donc l'occasion de se glisser dans la peau d'une chèvre. Pas question de suivre le troupeau, ici on est pas loin d'une version animalière (et beaucoup plus sympa) de Postal 2 : aucun objectifs donc, si ce n'est de tout piétiner, tout détruire, tout visiter et...tout lécher ! Le délire tourne court, mais amuse bien par son côté régressif et WTF (il suffit de voir le trailer, parodiant celui très célèbre de Dead Island, pour s'en convaincre). En d'autres terme : un vrai jeu de petit con, mais plutôt soigné.


* The forest (2014) Endnight Games : La mode du survival aidant, les développeurs indépendants n'échappent pas à la règle : bien qu'encore inachevé (en early access donc), The forestimpressionne assez par son esthétique crépusculaire et poisseuse rappelant les moments les plus éprouvants de The descent ou de Cannibal Holocaust ! Après un crash dans la jungle et le kidnapping de votre fils (ça c'est pour le petit côté La forêt d'émeraude...), on doit alors survivre coûte que coûte dans une jungle hostile aux autochtones voraces. Sans doute inspiré par le virage violent du dernier Tomb Raider, le soft en amplifie le côté survival, avec stockage de nourriture, construction d'abri...la terreur en plus.


* Viscera Cleanup (2013) RuneStorm : Dans l'espace, personne ne vous entendra...récurer. Ainsi pourrait se résumer ce jeu hautement improbable vous chargeant de nettoyer moult stations spatiales et autres labo qui ont vu des jours meilleurs. Quant C'est du propre rencontre Dead Space dans un soft sans enjeux (les tâches ne changent pas et il n'y a pas de durée de vie à proprement parlé) mais curieusement soigné. Si l'idée reste drôle, laver les sols crado et se prendre les pieds dans les seaux se révèlent aussi amusants que dans la réalité : c'est à dire pas du tout. Et malgré ça, on ne peut s'empêcher de rester fasciné par la chose.


* Proteus (2013) Ed Key : Cousin mutant de Dear Esther (un jeu contemplatif aussi beau que mortellement ennuyeux) Proteus se pose sans aucun doute comme le cas le plus abstrait et le plus expérimental dans le sillage des "walking simulator" (que certains seraient tenté de qualifier de "non-jeu"). Sans scénario, ni explication, nous voilà projeté sur une île déserte, où les saisons défilent et la nature s’éveille petit à petit. Pas d'action, pas de personnages tiers, le tout dans des décors en pixel art aux couleurs saturés, tendant vers une expérience proche de l'objet d'art interactif ou du poème virtuel. Au joueur de se laisser bercer par les nombreux sons et l'étrange temporalité, les petits détails incongrus et les respirations de l'île. Une œuvre zen comme on en voit pas tous les jours.


* Crypt of the necrodancer (2014) Brace Yourself Games : Depuis quelques temps dans la sphère indé, les jeux de rythme se déclinent davantage sous un autre genre, comme le jeu de combat avec Kickbeat, le jeu de plates-formes avec le très joli Beatbuddy ou, encore moins évident, le rogue-like avec ce Crypt of the necrodancer, dont la malice et le côté addictif l'emportent sur ses concurrents (d'ailleurs tout à fait recommandables). Il faudra donc se tirer de donjons infestés de viles créatures mais en rythme ! Le tout sur une chouette musique electro qu'on peut remplacer à loisir par ses propres mp3. Plutôt ardu mais très accrocheur, tout en étant accompagné de modes bien pensés (partie en local ou possibilité d'utiliser son pad dance, menus en forme de niveaux que l'on débloque petit à petit), le résultat jouit d'un capital sympathie énorme.


* The Last door (2013) The Game Factory : Dans un pixal art dépouillé à l'extrême (et un peu révulsant de prime abord) le joueur est invité à...se suicider ! Voilà donc les premiers instants de cette saga (toujours en continuation), qui ressuscite le point & click à l'ancienne. VRAIMENT à l'ancienne. Mais plus qu'une foire aux clins d'oeil et aux nostalgiques, les créateurs de The last door ont surtout réussi à faire du neuf avec du vieux, mêlant graphismes primaires, ambiance démente (très inspirée de Poe : enterrés vivants, corbeaux, manoirs isolés, folie qui galope...) et une réalisation résolument moderne, parsemée de trouvailles saisissantes et offrant un design sonore renversant (quelle musique !). Captivant, complexe, inquiétant : une perle à ne manquer sous aucun prétexte. Vous pouvez d'ailleurs découvrir les trois premiers volets gratuitement en ligneICI 


* Volgarr the viking (2013) Crazy Viking Studios : A l'inverse du très sympa mais très poli Shovel Knight dans le même giron de la plate-forme rétro, Volgarr the viking n'a rien d'une ballade champêtre au pays des pixels. Empruntant autant à Conan le Barbare qu'à Ghouls n Ghosts (même gameplay, même difficulté), le résultat brise la routine d'un simple exercice de style soigné par une difficulté hardcore qui sera au choix, soit motivante, soit parfaitement détestable ; le tout se révélant être une question de rythme et de mémoire. Dommage que le sadisme des développeurs aille jusqu'à l'absence de sauvegarde ou de checkpoint (et même de password !). Mais avouons que Volgarr vaut bien le coup de s’arracher les cheveux.

* One late night (2014) Black Curtain Studios : Pas loin d'être une variation creepy de The Stanley Parable (même point de départ) ou un Gone Home qui aurait assumé sa dimension horrifique, One Late Night surprend déjà par sa gratuité. Bloqué un soir de semaine dans votre bureau (ce qui est déjà assez atroce), vous voilà dans les pattes d'un fantôme vindicatif à souhait, qui a décidé de vous donner quelques heures supplémentaires (et fatales). Assez sobre et très flippante, l’expérience risque de déplaire aux plus sensibles. Objectif réussi donc. Et c'est gratuitICI


* Haunt the house – Terrortown : Jeu flash mignon, beau et original (même si on pense fortement à son ancêtre The Hauting), Haunt the house se retrouve avec une suite payante qui rallonge le concept de base : incarner un petit fantôme (tendance Casper) et faire fuir les habitants d'une ville (à contrario d'une maison dans la précédente monture). Cette fois-ci, il faudra également provoquer la mort de certains quidams pour grossir les rangs de la famille fantôme ! Toujours très joli et plein de gags visuels tordants, ce second opus justifie assez peu son statut payant (pas de challenge, une durée de vie minuscule, un gameplay faussement allongé) mais force la sympathie. Pour les fans du premier donc, toujours jouable ICI 

Pique-Nique à Hanging Rock (1975) Peter Weir : Les (très) belles heures

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"What we see and what we seem are but a dream, a dream within a dream"
Partout ailleurs dans les 70's, le cinéma d'exploitation fait des ravages : les dents acérés, prêt à bondir, l'Ozploitation (terme pour designer le cinéma d'exploitation australien) faisait doucement craquer son œuf avec des œuvres rugueuses qui annonçaient les folies à venir (l'éprouvant Wake in fright ou encore Night of Fear, qui annonçait malgré lui Massacre à la tronçonneuse). De son côté, Peter Weir prend son temps et calme le jeu : au milieu d’œuvres inquiétantes et pessimistes comme Les voitures qui ont mangé Paris ou La dernière vague, et avant son escapade hollywoodienne, il s'offre le temps de composer un curieux poème élégiaque répondant au doux nom de Pique-Nique à Hanging Rock.


Se dressant au milieu du bush australien, le lycée Appleyard semble surgie de l'Angleterre Victorienne : on y éduque une tripotée de jeunes filles, qui scintillent à loisir dans ce no man's land aride. Le vingtième siècle est à ses balbutiements et nous voilà le jour de la Saint-Valentin : avec une douceur appliquée, les jeunes élèves récitent à haute voix leurs lettres d'amour le temps d'un moment suspendu. Rêve éveillé, promesse d'une sortie scolaire, dernières heures.
On les envoie alors gambader au pied du mont Hanging Rock, dans une nature sauvage et sèche qui tranche avec la préciosité de l'établissement. Là-bas, une transe paisible s'installe : les mots perdent (ou gagnent-ils?) leur sens, les montres s'arrêtent, les corps s'assoupissent. Trois élèves, ainsi qu'un professeur, ne reviendront jamais de ce séjour.


À la première vision, il n'est pas toujours évident d'accepter l'entreprise de Weir, qui repose entièrement sur un mystère non résolu. La tristesse, la terreur, la frustration : le spectateur en restera au même stade que les personnages témoins, qui ne sauront jamais et voient leur petit microcosme s'effriter sous le poids des non-dits. Tout n'est qu'un gigantesque point d’interrogation.
Bien sûr, Weir se plaît à égratigner l'univers impeccable du lycée Appleyard, dirigé par une vieille fille accablée par la réputation de son établissement. Une mascarade aristocrate qui ne cache en rien les fêlures et les violences qui s'y déroulent dans l'ombre.


Symboliquement, Pique-Nique à Hanging Rock vise la discrétion : le spectateur s'imaginera ce que bon lui semble, mais aura à évincer toutes solutions raisonnables (mauvaise chute, kidnapping...) : l'aura surnaturel de Hanging Rock (filmé quasiment comme une divinité immobile) étant bien trop prégnante. De nombreuses phrases se délogent de leur banalité apparente pour mieux hanter, résonnant comme autant de clefs possibles au mystère. Doit-on y voir la revanche des terres aborigènes, avalant la civilisation qu'elle ne désire pas ? Y deviner la présence d'esprits ou d'aliens ?

Dans une certaine mesure, la lecture la plus intrigante est sans doute celle se référant à une majestueuse métaphore sexuelle, qui se laisse entrevoir à travers une série d'images intrigantes (les strip-tease pudiques écorchant le puritanisme affiché, la peur du viol hantant toutes les bouches, les désirs renfermés...) mais jamais pleinement innocentes. Et si Miranda, une des disparues, petit ange de Boticelli faisant tourner les têtes, savait exactement ce qu'elle faisait en bravant les interdits : franchir la limite, s'agripper aux imposantes roches phalliques (qui semblent alors tout observer), explorer les grottes utérines et s'y glisser voluptueusement à jamais. Tout est là.


Aujourd'hui, le film de Weir n'a pas bougé, intacte dans sa torpeur et beauté cristalline. Des réalisatrices comme Lucile Hadzihalilovic ou Sofia Coppola y ont vu une source d'inspiration intarissable, et les questions sont encore là, dans ces plaines où les flûtes de Zamfir soufflent toutes les énigmes du monde. À ce jour, il reste sans aucun doute comme le plus beau film sur le mystère, sa douceur et son effroi.
"Everything begins and ends at the exactly right time and place"


Cin'Express #12 - Août 2014

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* Enemy, de Denis Villeneuve : Si Prisoners louchait vers le cinéma de David Fincher, Enemy (réalisé quasiment en simultané) nous rappelle que Villeneuve est aussi un réalisateur du bizarre : bien avant sa consécration, il y avait eu par exemple Maelstrom, sorte de fable torturée racontée par un monstre marin ! Véritable énigme cinématographique, Enemy déloge le spectateur de sa zone de confort, objet radical et obscur comme pouvait l'être Under the Skin quelques mois plus tôt. D'une histoire de double débutant comme la fin de La double vie de Véronique (un professeur d'histoire croise son sosie dans un film), Enemy s'alanguit et s'étire dans un climat oppressant, avec ses visages égarés, cette ville aux horizons bouchés, ces araignées géantes... On est plus très loin d'un Mulholland Drive au masculin ou d'un Lost Highway 2 dans l'art d'écrire un récit qui en cache un autre : certes, Villeneuve n'atteint pas encore les cimes émotionnelles de Lynch, mais bouscule délicieusement l'énième histoire de jumeau maléfique qu'on attendait.

* Sils Maria, de Olivier Assayas : Films d'actrices, films de femmes, et fatalement, film de festival. Dans les Alpes, une actrice célèbre du nom de Maria Enders répète la pièce qui l'a rendu célèbre mais en endossant cette fois le personnage qu'elle précipitait dans le désarroi. Face à la femme mûre, accomplie, mais incertaine, il y a son assistante, qui l'observe avec tendresse et admiration (mais jusqu'à quel point ?) et la lolita à qui elle donne la réplique. Tout s'assemble en un jeu de miroirs fascinant mais un peu facile où la pièce se reflète sur les protagonistes, qui sont elles-mêmes des avatars des comédiennes choisies par Assayas. Kristen Stewart s'y révèle enfin, loin de l'enfer Twilight, et Binoche resplendit, s'offrant un étonnant rôle charnière en actrice talentueuse, mais un peu dépassée. Scandaleuse et un peu cabotine, Chloé Moretz frôle la fausse note, mais sa fausseté caméléon semble creuser un peu plus ce fossé de femmes. Un beau drame mais un peu timide hélas malgré ses éclats, comme la très belle scène du serpent de Maloja.

* Lucy, de Luc Besson : Transfigurée, déstructurée, reconstruite, effacée, abîmée, transcendée : le parcours cinématographique et charnel de Scarlett Johansson devient étrangement cohérent et fascinant, organisant autour de Her, Under the Skin et Lucy une sorte de boucle fascinante, comme un reset glamour permanent. C'est là que subsiste le point le plus (le seul ?) intéressant de ce nouveau Besson, qui a franchit une nouvelle étape : finir par faire ressembler ses films à ses productions. Mêlant sans conviction son Nikita avec quelques brides d'Akira, Lucy se prend des grands airs assez drolatiques, entre exhibitions de connaissances foireuses et alibi scientifique censé rendre plus intelligent. Sauf que cette histoire de cagole se métamorphosant en super héroïne (et qui ne fera pas grand chose de plus que dans la b.a) se contente de filer droit, avec son cota de poursuite en voitures, de flics français débiles et de méchants coréens (piqué à Park Chan Wook, Choi Min-Sik est insupportable en bad guy). Et que dire de plus quand Besson tente de nous refaire Tree of Life ? Rien. On zappe.

* Young Ones, de Jake Paltrow : Imaginons Mad Max sans motards rutilants, sans punks barbares : entre le Western agricole et le drame solaire, Young Ones explore un peu plus la verve intime du post-nuke, de plus en plus abordée ces temps-ci (The Rover, These final hours...). Dans une plaine aride où l'eau se fait rare, un fermier, père de deux ado tourmentés, se heurte au boyfriend de sa fille, une graine de violence au intentions troubles. Il en résulte un très bel objet à la réalisation rigoureuse mais se vidant de ses forces au fil du récit (une histoire de règlements de compte assez banale), sans compter des personnages féminins bancals (Elle Fanning à gifler, et un beau personnage de mère sacrifié). Ce qui frappe, c'est sa beauté désespérée et ses détails étranges, avec la vision convaincante d'un futur exsangue. Derrière tout ça, un auteur à suivre.

* Les gardiens de la galaxie, de James Gunn : Que faut-il attendre d'un enfant terrible de la Troma aux commandes d'un blockbuster Marvel, quadrillé (entre autres) par Disney ? Sans doute assez de malice de la part de Gunn pour contourner des barrières peu compatibles avec sa personnalité. Dès l'introduction, mêlant drame et comédie musicale, le ton est donné. Au delà d'un schéma narratif très (trop ?) appliqué, Gunn retrouve surtout l'âme des productions 80's, qui mêlaient premier et second degré sans que rien ne vienne enrayer la belle machine. C'est donc là sa magie, réussissant à faire coexister un raton-laveur accro à la gâchette, un bad guy tout droit sorti de Conan le Barbare, un arbre mutant dansant sur du Jackson Five et un héros faussement badass faisant tourner ses cassettes audios en boucle. Beau et fun, l'été (ou l'année ?) a trouvé son blockbuster de rêve.

* Les combattants, de Thomas Cailley : Petit patelin, là quelque part en France. Lui est un apprenti menuisier un peu gauche, un peu fragile, un peu ailleurs. Elle est un garçon manqué antipathique, secrète, qui ne vit que pour la fin du monde. Dès l'introduction qui désamorce une situation dramatique (la fabrication d'un cercueil) par une energie peu commune, Les combattants impose déjà un style fluide, contagieux, et qui refuse en bloc les codes la rom'com habituelle. Le regard lourd, le personnage d'Adèle Haenel va découvrir qu'il y a autre chose derrière son parcours du combattant. Malicieux mais sans prétention aucune, Thomas Cailley brise le masculin et le féminin, délaissant la poigne pour la ballade élégiaque, qui se déleste jusqu'à un final étrange, presque fantastique, sous une belle pluie de cendres. Un bel exploit de comédie française.  

[L'heure du bilan] L'Étrange Festival, Vingtième Édition

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C'est durant ce joli mois de Septembre que L'étrange festival, partenaire du cinéma tant prisé ici (et en somme fou, gore, bizarre, poétique, coup de poing, bis, incontrôlable...) fêtait son vingtième anniversaire. Une bonne raison donc de s'y rendre cette année, pour partir en quête de films obscurs, de (re)découvertes et de futurs films cultes.


* It Follows, de David Robert Mitchell : Son buzz au festival de Cannes n'avait rien d'anodin : It Follows est sans doute le film fantastique le plus renversant qu'on ai vu depuis Morse. Teen-Movie sensible saccagé par un mal étrange (en l’occurrence une malédiction sexuellement transmissible !), sans cesse hanté par les spectres de John Carpenter et de Charles Burns, c'était sans aucun doute la révélation du festival. On ne laissera pas passer sa sortie française.

* Open Windows, de Nacho Vigalondo : Entre found footage d'un nouveau genre, techno-thriller et faux giallo, Vigalondo tisse sa toile de petit malin dans cette série b au concept high-tech : tout l'action se déroule sur l'écran d'un ordinateur ! Mésaventure improbable et réjouissante du fan d'une starlette incarnée par la porn star Sasha Grey (qui, on vous le donne en mille, ne restera pas habillée très longtemps) piégé par un hacker sadique, tout se projette à travers webcam, écran de streaming, caméra espion et autres objets piratés. Vigalondo, très motivé, ne sait plus s'arrêter, enchaînant les rebondissement jusqu'au ridicule : mais son traitement du voyeurisme 2.0 et du hacking résonne étrangement en ses temps de stars "leakées" dans leur intimité.

* These final hours, de Zack Hildich : Il ne reste que quelques heures avant que le monde ne soit cramé, définitivement et totalement. Quelques heures pour un pauvre quidam, qui devra choisir entre jouer le bon samaritain avec une gamine, l'amant romantique avec sa maîtresse ou le jouisseur impudent dans une orgie. Dans les rues, tout le monde réagit à sa manière, mais souvent dans le chaos le plus total. D'une idée de départ alléchante, These Final Hours se disloque très vite, alourdie par une réalisation ultra racoleuse et des figures souvent caricaturales (une sous Cameron Diaz hystérique, une galerie de psychopathes débiles...). Mieux vaut revoir Appel d'Urgence, auquel il essaye de succéder désespérément.

* White Dog, de Kornel Mundruczo : Justement récompensé dans la section Un certain regard, White Godtrouve le parfait chemin entre cinéma d'auteur rigoureux et œuvre spectaculaire et accessible. Pour cela, il porte un regard universel (et même intemporel) sur les rapports entre l'homme et le chien, sacré meilleur ami de l'homme, et pourtant tout autant victime. À la fois versant un peu « rough » de Beethoven (si si!) et continuation thématique de White Dog (le detournement du titre n'est pas un hasard), le film de Mundruczo passe d'un drame à hauteur d'homme et d'animal à une fable violente et vengeresse où toute une meute se retourne contre une ville entière ! Sans aucun doute le film le bouleversant du festival, et le plus surprenant. Prévu dans les starting blocks en Décembre, on en reparlera évidemment plus en détails.

* The Canal, de Ivan Cavanagh : Présenté comme un des bijoux made in Ireland du festival, The Canalscandalise plus qu'il ne réjouit. Sur des bases déjà fragiles évoquant un certain Berbarian Sound Studio (un père de famille découvre que sa maison est hantée après la découverte d'une vidéo morbide), cette ghost-story à l'ancienne tombe dans tous les pièges modernes du genre, en recrachant des scènes entières empruntées ci et là : Ring, Les innocents, Silent Hill, Amityville la maison du diable, Paranormal Activity... Derrière une cascade de poncifs (veuf dépressif, gamin pas si innocent, jumpscares boiteux, fantômes jouant à cache cache sur des vidéos, policier cynique...), The canal s'enterre lentement mais sûrement, laissant aux oubliettes ses rares qualités (esthétique soignée, utilisation d'une caméra primitive pour certaines séquences...). Triste.


* New-York City Inferno (1978), de Jacques Scandelari : Sélectionné par les soins de Jacques Audiard au détour de sa carte blanche, ce porno gay du mystérieux Jacques Scandelari (à qui on doit aussi un Sade 69 ringard et spectaculaire) ferait passer Cruising pour du petit lait (et on se demande si Friedkin ne s'en est pas inspiré). Un français part à NY à l'assaut du quartier gay dans l'espoir de retrouver son amant, là quelque part, au milieu d'une tripotée de silhouettes avides. À la lisière du documentaire (en particulier lors des scènes orgiaques), Scandelari filme avec passion et sans dégoût une époque décadente et révolue, celle du Village période pré-Sida, où le plaisir guettait à tous les coins de rue, où tout était possible. Un tourbillon de plaisir plus riche que son récit prétexte semble être, jamais redondant, toujours passionnant, jusque dans sa plongée finale dans un pandémonium SM. Dans ces bas-fonds, on ne sait plus où est le paradis, et où est l'enfer.  

* Alleluia, de Fabrice Du Welz : Critique ICI

* Killers, des Mo Brothers : Ayant réussi à s'imposer jusque là par la force (leurs segments pour VHS 2 et ABC's of Deathétaient absolument démentiels), les Mo Brothers s'attaquent à une fresque meurtrière de 2h10, tournée entre le Japon et l'Indonésie. À coups de videos snuffs tournées par leur soin, un Patrick Bateman nippon et un vengeur amateur de Jakarta se découvrent et s'affrontent sur le net, jusqu'à voir leur vie s’effondrer dans le chaos. Racoleur mais rarement choquant, ambitieux mais maladroit, et surtout bien trop long, Killers se mélange assez vite les pinceaux jusqu'à imiter les tics du thriller coréen : cruauté sidérante (et parfois gratuite), musique classique, personnages allumés, élégance et horreur...mais ne vaut-il pas mieux revoir les modèles ?

* The tribe, de Myroslav Slaboshpytskiy : Petite sensation au dernier festival de Cannes, The Tribe ne pardonne pas, et ne cherche pas à se faire aimer, ou si peu. Dans un silence hypnotique, un adolescent intègre une école de sourds et muets où les plus âgés règnent à coups de poing, de racket et de réseaux louches. Sans aucun sous-titrage, sans musique, brutal et désespérément contemplatif (plan-séquences soigneux et en temps réel) : on peut dire que l'objectif, assommer et bousculer, est réussi. Mais si ses images marquent (un 69 inattendu, une scène d'avortement insoutenable, une conclusion implacable...), la proportion de l'auteur a étiré exagérément son œuvre tape souvent sur les nerfs, sans compter l'inspiration parfois envahissante d'Alan Clarke et de son terrible Scum. Malgré l’esbroufe, malgré la rage muette, il n'arrive pas à la cheville de son modèle.

* Horsehead, de Romain Basset : Projet à la gestation plus que difficile, ce Horsehead, anciennement Fièvre, est l'aboutissement d'un passionné bien de chez nous, qui renoue ici avec un cinéma horrifique à l'ancienne. Et comme toujours, les citations (bien intégrées) et les intentions, sont louables jusqu'à bout : une étudiante s'empêtre ici dans un trip onirique, partant à la recherche de son passé familial dans des rêves conscients qui vont, petit à petit, la perdre. Sorte de Compagnie des loups façon Jean Rollin (ambiance du terroir, crucifiée topless, saphisme discret, climat surréaliste renvoyant à la peinture décadente et baroque...), Horseheadbénéficie d'un casting anglophone solide (Catriona McColl, magnétique, face à Murray Head !) mais voit son implication émotionnelle s'effondrer scènes après scènes. Pas détestable donc, mais loupé.

* The World of Kanako, de Tetsuya Nakashima : Derrière la neige, derrière les sourires, derrière les lumières de la ville, des mots se perdent dans le bruit. Un mot d'amour, un cri de haine. Puis du sang, beaucoup. Autant dire que les premières images de World of Kanako calment bien, invitant le spectaculaire à un puzzle éclatant et barré, qui se passera de limites. Variation nippone de Hardcore  (un ancien flic part à la recherche de sa fille, bien évidemment dissimulée derrière des secrets inavouables), ce gros succès nippon impressionne d'abord par son montage percutant avant de s'enfoncer dans une complaisance de plus en plus irritante. Noyé dans le cœur noir du Japon (lolita perverse, viols d'adolescents, tortures, drogues...), le héros est une épave passant le métrage à tabasser et à violer des femmes, que le réalisateur traite soit comme une ordure à la Bukowski soit comme un héros tarantinesque ; ce qui est de tout de suite plus discutable. Allant nager dans les eaux troubles de Sono Sion (déglingage de la société japonaise, goût du sacré et du gore) et de Park Chan-Wook (tourbillon de vengeance sordide, personnages immondes), Nakashima ne trouve pas d'équilibre dans l’excès de son jouet, interminable qui est plus est.

* A Girl walks home alone at night, de Ana Lily Armipour : On croyait avoir assez soupé des suceurs de sang : après l'incroyablement pédant Only lovers left alive, le cas semblait même irréparable. Fort d'un statut singulier (une réalisatrice iranienne et une production assurée par Elijah Wood), A Girl walks pourrait s'apparenter d'abord à un gentil film arty, un peu bizarre, un peu gauche, un peu ailleurs. Loin de l'exercice de style redouté, cette romance nocturne au charme déroutant (ville fantôme et vampire en burqa) joue la carte de l'insolite, plutôt que du racolage et de la niaiserie. Il y a une âme pop (une scène de coup de foudre sur fond de White Lies à se rouler par terre de bonheur), une densité expressionniste (empruntant autant au cinéma muet qu'à la bande dessinée) et une extase électrique qu'on a pas vu venir. Et c'est beau, très beau.

* Cub, de Jonas Govaerts : Petite bombe belge qu'on attendait pas, Cub (ou Welp) creuse le sillon de ces œuvres référentielles, qui tentent tant bien que mal de faire du neuf avec du vieux. Sauf qu'ici, cette escapade forestière d'une colonie de scouts dans un bois hanté par un enfant sauvage et un boogeyman indestructible, fonctionne admirablement, bien aidée il faut dire par une superbe plastique (une photo incroyable de Nicolas Karakatsanis et une b.o tendance Goblins/Carpenter du meilleur effet). Ce croisement carrément violent et cruel entre une production Amblin (même le jeune héros ressemble à River Phoenix période Stand By Me !) et les bandes de vidéo-clubs horrifiques 80's (on pense à Survivance, Fortress ou encore Massacre au camp d'été) rappelle surtout tout ce que Aux yeux des vivants avaient tenté de faire sans grand succès.  

* The voices, de Marjane Satrapi : Recup' d'un scénario que personne ne voulait, ce Voices est un essai hollywoodien comme on en voit peu pour une artiste européenne, en l’occurrence ici Miss Persepolis qui abandonne totalement son univers habituel. Proche de Super dans son description d'un psychopathe "sans le faire exprès", incarné par un Ryan Reynolds béat et schizo, alors poussé au meurtre par un chien affable, un chat ordurier à l'accent cockney et des têtes coupées ! Bien qu'absurde et décalé d'un plan à l'autre, jonglant entre le gore et la naïveté, la crasse et le pathétique, The voices prouve surtout que l'originalité n'excuse pas tout. Bien trop redondant et pas si drôle, longuet et maladroit (des scènes musicales réjouissantes sur le papier mais sans impact à l'écran, des ruptures de tons mal agencées), l'ovni (car c'est bien le cas malgré tout) de Satrapi a tout de même convaincu jury et public. Curieux...

                       

Saint-Laurent (2014) Bertrand Bonello : Le beau monstre

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- J'ai crée un monstre, maintenant je dois vivre avec...
- Un beau monstre !

Même au cinéma, la mode attire la convoitise, et certains iraient jusqu'à parler de contrefaçons. Ainsi la rivalité de ses deux YSL rappellent étrangement celles qui liaient Coco avant Chanel et Coco Chanel & Igor Stravinski, deux films qui abordaient le mythe Coco sous un angle radicalement différent. Point de contrefaçons, de remake, de succédanés : deux dimensions différentes s'opposent à nouveau.
Oeuvre rigoureuse, officielle, labellisé, le YSL de Jalil Lespert était, il faut l'avouer, un bon biopic qui, malgré une surveillance rapprochée, n'occultait pas les zones les plus sombres du mythe Saint-Laurent : les tromperies, les excès, la maladie mentale, les rapports violents...Lespert échappait sans doute à quelque chose de trop beau, trop amidonné, mais prenait moins de risque dans la forme. On savait que de ce côté, c'est Bonello qui s'y retrouverait.


Si l'organisation des choses fera hélas passer Saint-Laurent pour le "film arrivé après", c'est pourtant Bonello et son équipe qui avaient déjà mordu dedans. Sans doute froissé de ne pas être le premier sur la ligne, Bergé fera évidemment tout pour que le film soit maudit, faisant tourner investisseurs et intéressés dans sa direction. Malgré les mésaventures avec Lespert et Bergé, les coupes de budget et le découragement généralisé, Bonello ira tout de même au bout de son projet, qui n'occupe que la période charnière et brûlante de YSL, entre 67 et 77.

Dans une chambre d’hôtel obscure, un YSL fantomatique et gracile déploie ses cicatrices au téléphone : on sait dès les premières minutes que Bonello va piocher dans l'étrange beauté et la fragilité du personnage. La France, tout comme l'atelier de YSL est en plein bouleversement : dans un somptueux split-screen, Mai 68 et la guerre d’Algérie se bousculent aux côtés des créations rutilantes de l'artiste.


Les Seventies arrivent, pleine de folies et d'horreurs sublimes. C'est la révolution, la sève créatrice qui coule à flot. Dans ce fracas, on croise, on devine, on évoque Andy Warhol, Helmut Newton, Marguerite Duras, les Velvet Underground ou Klaus Nomi. 
On se noie dans le Disco et la Soul, on aime et on abuse. Tout est à faire et à défaire. Bonello veut savoir ce qui se passe, non pas dans le binôme Laurent/Bergé, mais ce qui se déroule dans la tête de l'artiste, et tout autour. L'apparition des égéries, les bouleversements, les orgies, la création dans la souffrance, monter et descendre.


Si on lui avait déceler un petit côté à la Malcom Mcdowell dans le pas si mauvais Young Hannibal, Gaspard Ulliel s'était volatilisé, belle gueule dont on avait oublié le côté vénéneux (effleuré aussi chez Techiné dans Les égarés). Bonello le retransforme et en fait un nouvel homme, un YSL encore plus flamboyant, puissant et queer que chez Lespert, Dandy absolu aux portes de la folie. Berger intéresse moins le réalisateur deL'apollonide et cela se sent : face au créateur torturé, le businessman, l'homme cintré et observateur est écrasé, et Jérémie Renier avec.

Ce que capte Bonnello c'est le chaos, ce qui s'éteint et va se rallumer. En artiste décadent, YSL se perdra et vacillera au contact du gigolo Jacques de Bascher, dans un labyrinthe de corps et de paradis artificiels. Aérien et fiévreux, Bonello reste fidèle à une imagerie décadente, au style résolument racé : le surgissement de Betty Catroux, blonde géante, sur fond de I Put a spell on you , le coup de foudre Bascher/Laurent, ping pong amoureux qui traverse les corps de la fête, ou l'explosion finale du défilé 77, où l'écran se morcelle comme une toile de Mondrian.


Au delà de nombreux caméos ou apparitions succulentes (Valeria Bruni-Tedeschi, Brady Corbett, Valerie Donzelli, Kate Moran, Ernst Humhauer...), il y en a deux qui synthétisent un point essentiel du film : Dominique Sanda (dans le rôle de la mère) et Helmut Berger (dans le rôle de YSL âgé, les yeux humides devant sa propre image dans Les Damnés), deux figures mémorables du cinéma d'auteur des 70's renvoyant à Bertolucci et Visconti. Ce cinéma européen libre, étrange, qui mêlait la beauté et le souffre, maintenant lointain, que Bonello rejoint et réapprend à investir.

Oui Yves Saint-Laurentétait un bon biopic. Mais Saint-Laurent lui, est une œuvre d'art totale.


Cin'Express #13 - Septembre 2014

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* Métamorphoses, de Christophe Honoré : Compilant tous les tics insupportables du cinéma bobo à la française, Honoré part prendre l'air avec un ovni sorti de nulle part, peuplé d'inconnus péché dans les rues et ailleurs. Dans la France contemporaine, entre la campagne profonde et les cités, les héros de la mythologie grecque reprennent forme ((Pan, naturiste en basket, Narcisse sur son skate, Tiresia médecin...) et content des histoires qui en cachent d'autres. Une célébration de la nature et de la chair qui évoque indubitablement le Pasolini de La Trilogie de la vie, dans une drôle de valse de corps, de mots et de transformations. L'intention est là, les images sont superbes, mais la direction d'acteur, catastrophique, achève surtout de faire de ces Métamorphoses un livre d'images maladroit, prétentieux et souvent embarrassant. Pas de hasard, le plus beau segment (la course de Ganymède) est le seul où les acteurs se taisent enfin.

* L'institutrice, de Nadav Lapid : Dans des transes enfantines, un gamin de cinq ans déclame d'étranges poésies, flottantes et mystérieuses, dans la cour de récré. Sa maîtresse y voit un rayon de lumière, un miracle qu'elle tente d'arracher à un monde opportuniste qui n'éprouve plus de besoin de poésie. Pas tendre avec la société qu'il décrit, Lapid filme si proche des corps qu'il ne peut s'empêcher de faire de la caméra un personnage à part entière (avec des plans aussi brutaux qu'étourdissants), et de tout diluer dans le regard de son incroyable interprète principale. Plus que cet enfant prodigue, c'est cette institutrice qui irradie tout, retrouvant l’énergie, la féminité et l'étrangeté du monde qu'elle pensait perdu. Face au triomphe de la laideur (jusque dans les dernières images, baignant dans de l'eurodance de circonstance, qui laissent planer le doute), tenter de préserver ce que la société ignore : l'inexplicable, l'indicible, le beau.

* Délivre nous du mal, de Scott Derrickson : Le cinéma d'horreur va mal, et ce n'est pas cette année que les choses se sont arrangées. Après un Sinister plutôt surprenant, ce brave Scott Derrickson revient à la bondieuserie horrifique, lui qui avait débuté avec le très catho L'exorcisme d'Emily Rose. Après le film de procès dans le cas précédent, c'est le polar qui se voit invité à flirter avec le film de possession : mais après une première partie qui ressasse les rares tentatives du genre (Le témoin du mal et La fin des temps : autant dire que ça remonte) tout en pompant ce qu'il peut à Seven (décors mal éclairés, murs suintants, cadavres en putréfaction...), la dégringolade n'attend pas. Le charisme du duo vedette (Eric Bana et Edgar Ramirez) et l'utilisation inattendue de The Doors (= portes de l'enfer, mais bien sûr) n'empêche pas Derrickson de patauger dans les poncifs les plus affolants. Entre ses effets de trouilles à deux sous et sa morale de catéchisme (flic athée à qui on l'a raconte pas, le personnage principal retrouvera bien sûr le chemin de la messe), on souffre.

* Pride, de Matthew Warchus : Face à un cinéma français (actuel) riche mais problématique dans son traitement de l'homosexualité, Pride opte pour pour la parade enthousiaste, la page historique et la malice tolérante. Sur un schéma qui évoque les déjà lointains Full Monty et Les virtuoses, cette rencontre entre miniers du pays de Galles et citadins LGBT durant les années Tchatcher sonne comme un doux mot d'amour et une longue récréation qui ne laisse rien au hasard. Il y a cette équilibre parfait entre une bonne humeur galopante (Dominic West se déchaînant sur Shame Shame Shame, Imelda Staunton un godemiché à la main), l'émotion soudaine (l'homophobie latente, l'apparition du Sida...) et une tendresse contagieuse et bienfaisante. Un vrai remède miracle.

La Punition (1973) Pierre-Alain Jolivet - The Image (1976) Radley Metzger : Le Corps & le Fouet

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"Et je ne me sentais que plus belle, désirable et amoureuse ces fers ainsi passés à mes poignets, le fouet claquant mes reins."

Libération sexuelle ou pas, le SM n'a sans doute jamais été aussi à la mode au cinéma que dans les 70's, avec l'explosion de la sexploitation, du porno et du Pinku au Japon. Entre la strangulation érotique de L'empire des sens, l'exploration quasi-documentaire du milieu dans Maîtresse, les nombreuses adaptations de Sade, les jolies plantes ligotées de Robbe-Grillet, les amours bizarres de Portier de Nuit ou de Liza, Marlon Brando se mettant au bondage dans Le corrupteur...le choix est vaste, et il y a de quoi ridiculiser toute une génération de Fifty Shades of Grey.

Adaptation opportuniste et vaine, Histoire d'O ne redorait pas vraiment le blason du genre, éclipsant au passage quelques oeuvres bien plus avisées sur le sujet. Un an auparavant, The image frappait bien plus fort et donnait l'occasion à Radley Metzger, un spécialiste de la sexploitation qui s'était déjà penché (gentiment) sur le sujet avec Camille 2000, de passer à la vitesse supérieur avec un sujet plus piquant, en adaptant un roman de Catherine Robbe-Grillet, femme d'Alain et prêtresse SM littéraire (et pas que).


Pendant près d'une demi-heure, The image a la saveur surannée mais un peu ringarde des ero-soft de son époque, partagé entre son décor de carte postal (ici Paris) et sa mise en scène démago (la voix off du héros, insupportable, raconte tout ce qui se passe à l'écran). On y suit un séducteur du dimanche entraîné par une ancienne maîtresse et son esclave, une jolie mannequin qui doit se plier à toute les volontés de la vilaine bourgeoise sadique. Ce qui le distingue déjà d'une majeure partie des films coquins, c'est l'utilisation du 35 mm, qui nous fait vite oublier qu'il s'agit d'un simple film hard. Une classe qui s'explique aussi par la présence de Robert Lefebvre, un des plus importants chef-op français ayant planché, entre autres, surCasque d'or.

À Metzger de nous prendre presque par surprise, le temps d'une séquence suffisant à renverser la vapeur, à savoir une scène de triolisme sado-maso brûlante comme l'enfer. Une sorte de pivotement où les héros décident enfin d'aller plus loin que les petits humiliations de rigueur. Un grand moment, si incendiaire que le film ne s'en relève pas toujours. Mais il y a du souffre et de l'élégance dans cet objet chic et choc qui claque comme un fouet.


Encore antérieur, La punition cherche moins à se consacrer en objet excitant et masturbatoire, voguant vers un récit plus glauque et brutal. Empressé, bizarroïde, quasiment psychédélique, le film du mystérieux Pierre Alain Jolivet se balance entre plusieurs temporalités : la fuite d'un couple d'un côté, et ce qui les a amené à prendre la poudre d'escampette de l'autre.

Plantureuse, un peu maussade, Britt est prostituée par un trio infernal, dont son amant est l'investigateur. Mais décevant un client récalcitrant qui demande qu'elle soit « dressée », la jeune femme est emprisonnée dans une maison de campagne isolée, couverte de feuilles mortes et hantée par des hurlements incessants. Là, elle devra recevoir ses nombreux clients et satisfaire leurs demandes...

La punition n'est donc pas ce qu'on pourrait qualifier de "film de charme", tant le ton est triste, violent et surréaliste, avec ses soirées mondaines filmées comme un cauchemar, son héroïne martyr et son climat à la limite du fantastique. Jolivet fignole un objet bizarre, d'où surgisse des plans superbes, des moments d'hystérie secouants (une scène de viol au milieu d'une fête) mais surtout une mélancolie qui suinte de partout, de la musique (hallucinante) de Bookie Binkley au regard perdu de Karin Schubert. 
La manière dont cette ex-starlette des seventies s'offre à l'écran est sans doute ce qu'il y a de plus bouleversant à l'écran : dans ses sanglots, qu'on jurerait authentique, on aperçoit déjà la descente aux enfers que l'actrice vivra quelques années plus tard pour sauver son fils toxicomane, avec une escalade dans le porno qui froissera à jamais son corps et son âme. C'est dire si cette "punition" va au delà de la simple curiosité déviante, pour se changer presque en lettre de désespoir.

Simetierre (1989) Mary Lambert : Famille (Dé)Composée

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Tout doucement, mais sûrement, Stephen King était devenu au cours des années 80, une licence, une marque déposée juteuse, et de plus en plus insatiable. Avant que les choses ne dérapent et que le cinéma d'horreur connaisse une première mort au cours des 90's, Misery et Simetierre frappaient fort en s'attaquant à des morceaux de choix, pas seulement pour leur noirceur, mais aussi dans les liens étroits qu'ils entretiennent avec leur créateur.


Jugé trop méchant, trop dépressif et trop éprouvant par son auteur, Simetierre n'est définitivement pas l'oeuvre favorite de King, dont l'histoire s'avère être partiellement autobiographique (jusqu'à l'intervention des morts-vivants bien sûr). Ressorti du placard par son auteur pour régler un litige avec un éditeur, Simetierre fera parti des rares livres de l'écrivain a ne pas avoir bougé (ou si peu) une fois adapté sur grand écran.

L'éviction de Savini et Romero a débouché sur le choix, incroyablement risqué, de la clippeuse Mary Lambert, dont les croix enflammées de Like a prayer avaient marqué les esprits. Paradoxalement, Simetierre est au contraire une œuvre dépouillée, presque plate, quasi-impersonnelle. À tel point qu'on soupçonne King d'avoir pris le contrôle de l'entreprise, l'escalade de Lambert dans le cinéma Z ne faisant que confirmer cette vision des choses...


Loin de la figure lambda du zombie, déjà bien bien escamotée dans les 80's, Simetierre revient au source du malaise et de la terreur morbide : rarement dans un film d'horreur, on avait approché de manière si frontale la question du deuil, qui frappe ici une famille tranquille venue s'installer près d'une terrible autoroute. Toute la problématique de la mort se canalise par le personnage d'Ellie, la petite de la famille (qui semble d'ailleurs dotée du shining, puisqu'elle entrevoit ce qu'elle ne peut voir dans ses rêves) qui tente de comprendre ce qu'est la mort, réveillant les démons d'une mère qui n'a pas essuyé un traumatisme d'enfance (matérialisé dans des scènes de cauchemars qui vous laissent blanc comme un linge). Pourquoi meurt-on ? Où va t-on ? Et surtout : peut-on revenir ?

De son côté, le père fait la connaissance d'un brave papy qui va lui révéler la nature magique et terrifiante d'un ancien cimetière indien, qui se cache derrière un cimetière d'animaux inoffensif, le fameux "pet sematary". Là bas, plus loin que la forêt hantée où on entend hurler les oiseaux (et sans doute autre chose), des terres acides ressuscitent les morts qu'on leur offre en pâture. Mauvais plan.


Spectres grimaçants, éclairs de gore cradingue (la scène finale, se permettant d'aller plus loin que celle du roman, semble échappée d'un film de Lucio Fulci), décors faussement tranquille, presque froids comme la mort, escalade irréversible vers la folie, poupon sanglant : Simetierre n’épargne aucun personnage, s'enfonçant dans les eaux boueuses du désespoir avec une fermeté encore impressionnante. Tellement, qu'il fait parti de ces films d'horreur qu'on revoit rarement par plaisir, mais plutôt avec une vraie boule dans la gorge, loin de la décontraction affichée par le célèbre tube des Ramones. Le décalage, lorsque la chanson surgit au générique de fin, n'en est que meilleur : on se soulage comme on peut après tant d'effroi.




LE BONUS : 


* Simetierre 2 (1992) Mary Lambert : Les années 90 commencent et le label S.King frappe des œuvres de plus en plus éloignées de sa plume...et plus proches des tiroirs-caisses. Malgré le refus de l'écrivain et du producteur Richard P.Rubinstein de récidiver, Lambert signe tout de même cette œuvre de commande ne tissant qu'un lien assez vague avec le premier opus. À quelques encablures de la maison des Creed, les héros tragiques de l'opus précédent, Jeff (un Edward Furlong tout juste sorti d'une suite plus glorieuse, en l'occurence celle de Terminator) et son père tentent de faire leur deuil (la mère, une actrice de film d'horreur, a fini grillé sur le plateau d'une série Z). 
Bien entendu, le cimetière indien revient foutre le boxon, avec cette fois un chien à la place du chat vedette, et des conséquences toutes aussi dramatiques, mais (beaucoup) moins poignantes. On y retrouve la Mary Lambert issue du vidéo-clip, avec une très belle photo et une atmosphère automnale esthétisante à souhait, mais aussi des choix plus discutables, faisant de ce Simetierre 2 une série b n'évitant ni le ridicule (le numéro de Clancy Brown en zombie rigolard) ni les facilités (une intrigue téléphonée qui ne lésine pas sur le grand guignol). Cette séquelle préserve toutefois un goût appuyé pour la cruauté (on y entrevoit du sexe nécrophile, on tue des lapins, des chatons, une famille et un gosse se fait broyer le visage par la roue d'une moto !) qui parachève son statut de divertissement un peu idiot, un peu méchant, mais somme tout regardable.

White Bird (2014) Gregg Araki : Mal de Mère

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À une semaine d'écart, Gone Girl et White Bird racontent la même chose. Ou presque. Dans une banlieue middle-class, une femme disparaît un matin, laissant sa famille derrière elle. Inévitablement, tout le monde se pose des questions, le verni s'effrite petit à petit, plus loin les masques tombent : comme d'habitude. Fincher, égal à lui-même, fignole autour de cette idée un thriller machiavélique, Araki lui, en bon Peter Pan dépravé, vogue vers la chronique adolescente malade. L'un adapte Gillian Flynn, l'autre Laura Kesischke, deux écrivaines. Mais on s'arrête là pour le jeu des sept erreurs.


Dans les délaissés par cette desperate housewive bizarre (Eva Green, parfois dans le surjeu, fascine en poupée déglinguée qui ne trouve jamais sa place), il y a sa fille, sublime Shailene Woodley, dont la caméra d'Araki semble éperdument amoureuse. Une jolie puce qui biatche avec ses potes marginaux et apprivoise le plaisir charnel à sa manière (elle délaisse son boyfriend absent pour un homme plus mûr). Puis lentement l'absence maternelle finit par l'a creuser, l'a démange : le mystère qui se dissimule derrière l'a glace même d'effroi à travers ces rêves neigeux qui se répètent inlassablement...


Couleurs pétantes, voire dégoulinantes, secrets d’alcôves : Lynch n'est pas loin, mais il y a aussi du Douglas Sirk...sous acides bien sûr.
Derrière un décor de pub 50's, nous sommes pourtant dans les années 80. En terme de reconstitution musicale, Araki met d'ailleurs les bouchées doubles, avec de vrais moments planants sur fond de Cocteau Twins, Depeche Mode et autres Joy Division : une orgie new-wave excitante qui semble rattraper l'épure de Mysterious Skin, qui se déroulait également dans les 80's mais n'en faisait curieusement pas état.


Beaux, jeunes, sexués et au bord du gouffre, les corps adolescents chez Araki n'ont pas changé, mais ils font moins de bruit aussi. Des élans qui rythment une quête traumatique, un manque (maternelle ici, comme souvent chez Kasischke), comme pouvait l'être celui de Mysterious Skin, mais ici en beaucoup plus light (tout comme Kaboom pouvait paraître moins agressif que Nowhere et Doom Generation). Araki avance et recule, se perfectionne visuellement, rate quelques marches (une fin expédiée), et joue sur la même corde sensible : celle du désir et du tragique. Sauf que cette fois-ci, ce n'est pas la fin du monde. Mais il faut avouer que le mariage avec l'univers névrosé de Laura Kasischke va bien à Araki, et inversement.



LE BONUS : La Saga Apocalytique 

* Totally Fucked Up  (1993) : Inaugurant sa teen saga, cet opus n'est assurément pas le plus représentatif, mais peut-être le plus en avance sur son temps. Avant les aliens, les effusions de sang et l’abondance kitch, Araki abordait le suicide chez les jeunes homos, cernant un groupe de gays et de lesbiennes dans un style tenant aussi bien du clip que du documentaire. Si aujourd'hui, l'objet a formellement vieilli (lent, fauché et graphiquement bien sage), sa décontraction et les thèmes abordés font parfois mouche. Mais il faudra qu'Araki prenne du poil de la bête pour marquer enfin les esprits.

* The doom generation ( 1995) : C'est sans aucun doute là que le culte Araki a débuté, cherchant  à l'époque à exulter - dixit lui-même -  une véritable "rage industrielle". Dans un night-club infernal, alors que rugit Nine Inch Nails, le premier mot prononcé sera "Fuck". Autant dire que le ton est donné.
Entre la bande-dessinée trash et le bad trip, Araki passe à la vitesse supérieure, ose des décors de plus en plus fantasques, et couvre son spectateur d'un flot d’obscénités et de fluides corporels. Tout semble possible, d'une tête coupée qui parle à des murs couverts de messages menaçants, véritable défouloir/cauchemar (très) adolescent. Cavalcade sexy et meurtrière réunissant un giton sensible, sa copine pulpeuse et un ange exterminateur, The doom generation plante les vices de son auteur, qui se plaît à montrer ses héros prendre du plaisir avec autant de crudité que de passion, dans des motels impensables, ou à la lueur d'une bougie dans un même lit. Mais dehors, tout fout le camp : derrièredes paysages industriels et flashy, conservateurs, illuminés et nazis ne semblent faire qu'un, jusque dans un dernier acte effroyable. Avec Araki, on est est toujours très mal barré : c'est le no-future qui l'emporte.

* Nowhere (1998) : Plus fun et plus léger que Doom Generation, Nowhere ressemble à s'y méprendre à une folle soirée : des gens, des visages, des corps partout, des couleurs qui vous sautent à la gorge, et tout ça à un train d'enfer. Ballade loufoque d'un ado (toujours James Duvall, l'égérie masculine d'Araki) qui aime autant sa petite amie que ce mystérieux blondinet aux yeux vairons, Nowhere pourrait être un clip MTV cynique, qui frustre volontairement (le film s'ouvre et se ferme sur une jouissance stoppée net) et dérape à loisir. Derrière les garces, les éphèbes, les machos, les drogués et les punks, une invasion d'alien (tendance cafards géants et lézards monstrueux) se prépare. Simple détail (?) au milieu de ce capharnaüm pop et régressif.

* Kaboom (2010) : Dernier volet de cette teen-saga apocalyptique? Peut-être...
On s'amuse beaucoup à la fac ici, avec un héros bisexuel qui jouit tant qu'il peut et des tueurs qui cavalent avec des masques d'animaux. Araki aborde un public en terrain conquis, son casting est beau (avec une Juno Temple révélée au passage), et s'éclate à faire partir tout son petit monde en vrille. Après le trop plein de noirceur de Mysterious Skin (son chef d'oeuvre et trait d'union de cette saga apocalyptique), l'heure semble à la récréation, et il a bien eu raison. Il y a du Easton Ellis dans ce chaos de fin d'adolescence, là où tout commence mais donne l'impression que le monde se termine. Et ça se terminera bel et bien, dans un sursaut goguenard et insolent. D'un doigt d'honneur à un doigt tout court, il n'y a visiblement qu'un pas...

Bande de Filles (2014) Celine Sciamma : Ni Pute, Ni Soumise

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Les jeunes filles en fleurs, ça, Celine Sciamma maîtrise bien. Et elle y revient une nouvelle fois, sans doublon, sans déjà vu. Après la découverte du désir et du corps (toujours présente), la réalisatrice vient à ces ombres féminines qu'on croise et qu'on entend dans la rue, mais qu'on ne voit pas au cinéma . En somme, un regard sur un monde qui n'est pas le sien : les bandes de filles, les cités, la banlieue. Une des rares tentatives remontait à 1999 : La squale, plus sec, plus dur, et complètement oublié. Mais comme l'intéressée le dit elle-même, son geste est intentionnellement plus proche de Jane Campion qu'un pendant féminin de La Haine.


Alors que rugit Light Asylum, les projo chauffent plein feu sur un match de football américain : un sport peu commun dans l'hexagone, encore plus quand les casques révèlent l'absence d'hommes sur le terrain. Parmi ces filles, Marieme, 16 ans. Quand tout le groupe remonte dans leur cité, les rires et leur force s'amenuisent face aux hommes. Et Marieme retrouve sa vie, triste et sans surprise : deux petites sœurs, un frère violent, une mère absente, un père dont on ne saura rien. Cités dégingandées bâties sur des rêves à l'agonie. Quelques minutes à peine pour dessiner la prison de Marieme, et le schéma entier du long-métrage.


Puis, voilà que surgit la bande de filles du titre, trois grandes gueules qui intègrent la jeune fille et l'a pousse à sortir de ses gonds, que ce soit par la violence, le vol, la danse ou le combat.
Mais Bande de filles n'est pas, et ne sera pas, le Spring Breakers français : on serait même tenté de dire que le titre même est un brin mensonger. Car il est bien question d'une bande, mais en premier plan, il s'agit surtout de Marieme (à tel point que les autres filles, hormis Lady, resteront à l'état de silhouettes bavardes). Le groupe sera une étape pour la jeune fille, qui trouve dans cette logique de groupe une nouvelle raison de s'affirmer face au monde. Dans une chambre d'hôtel, sous un bleu irréel, la libération se fera à coup de Rihanna.


Ce qui passionne avant tout Sciamma, le masculin et (surtout) le féminin, est abordé de nouvelle fois de plein front. Ce que Marieme, devenant Vic, et Lady cherchent aussi à accomplir, c'est défier la dominante masculine en adoptant leurs codes. Gagner un respect, souvent par la brutalité. Mais c'est aussi le danger de le perdre par ses faiblesses ou en acceptant de vivre ses désirs. Ce que Marieme/Vic apprendra alors tristement. L'étape suivante sera pour elle de réfuter le féminin (et même de le terrasser au détour d'un duel symbolique), tenter de se fondre dans la masse des mecs de quartiers, comme un miroir amer.
Il ne s'agit pas d'une bande, mais bien du portrait d'une seule fille, se prenant l'enclume de la société patriarcale en pleine face : être une "pute"ou une mère, voilà son avenir et son présent aux yeux des autres. Mais Vic ne se considère ni l'une ni l'autre : son combat dépassera les limites du cadre, ira plus loin que le dernier plan.

À la dureté des thèmes, Sciamma révise son style avec une mise en scène électrique (hallucinante musique de Para One), à l'opposé du climat planant de Naissance des pieuvres et de l'épure de Tomboy. Opposition ou évolution ? Qu'importe, puisqu'on sent encore toute la beauté éclatante de son cinéma, où le drame social et féministe ne fait qu'un avec une quête initiatique, constellée de diamants, de néons et de bétons.


LE BONUS : 

* Naissance des pieuvres (2007) : Petite sensation à l'époque, étrange sensation même : dans une piscine de Cergy, des (jeunes) corps féminins se découvrent, s'attendent, s'impatientent ; l'âge des désirs qui germent. Il y Marie, obsédée par Floriane, une créature aquatique faisant tourner les têtes, et Anne, une silhouette à la Breillat qui attend le prince charmant : elles devront, au sens propre comme au figuré, prendre un grand bain de désillusion. Mettant en scène son propre scénario sous l'impulsion de son camarade Xavier Beauvois, Sciamma signe une œuvre qui ne ressemble à aucune autre, au carrefour de la bizarrerie érotique (sans que le regard ne paraisse déplacé ou scabreux) et du poème glacé. Apprentissage du désir et de la cruauté en milieu chloré, transcendant la froideur apparente vers une magie poignante. Et cette b.o de Para One qui résonne encore et encore jusqu'au fond des eaux. Et oui, tout ça c'était bien une révélation.

Cin'Express #14 - Octobre 2014

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* Gone Girl, de David Fincher : Une femme disparaît. Là, dans un pavillon paisible, dans cette banlieue cotonneuse où tout le monde fait comme si tout allait bien. Kidnappée ? Morte ? Le mari (Ben Affleck, pour une fois convainquant) traîne son mystère et sa lassitude ; l'affaire prendre une ampleur monstre, les secrets remontent à la surface et le temps n'est plus à la confiance. De là, Fincher tient son Twin Peaks, jusque dans les nappes sonores de Reznor qui évoquent celles de Badalamenti. Puis les surprises s'accumulent, et la hargne, la méchanceté (ça tape dur et fort sur le mariage et les médias, parfois même sans finesse, mais de manière réjouissante) lorgnent presque vers Verhoeven, jusque dans un sursaut gore évoquant le meilleur de Basic Instinct. Et puis il y a Rosamund Pike, caméléon glacial, qui offre une prestation obsédante. Le thriller de l'année, sans efforts.

* Mommy, de Xavier Dolan : Deux Dolan en un an, c'est pas rien. Après la noirceur de Tom à la ferme, voilà de la lumière, du souffle. Une palme d'or loupée mais un speech, un succès, une présence médiatique. Entre sa place en compétition et l'absence de thèmes queers, Mommy a eu le pouvoir de  ratisser plus large. Mais est-il le meilleur Dolan pour autant ? Pas forcément...
Il y a donc ce triangle d'amour et de haine entre une mère larguée, un môme violent et leur voisine, dont le bruit incessant de ce duo infernal va la sortir de la torpeur. Évidemment, Mommy est beau : Dolan trace sa route sur des images éclatantes, musicales (b.o à la fois 90's et populaire, comme on aime), puissantes (la scène de renaissance sur On ne change pas ou l'explosion du cadre, déjà cultes), guidées par un trio vedette impeccable. Mais l'hystérie l'emporte parfois, Dolan s'empêtre, oublie de lâcher du leste. Un déséquilibre qu'on ne rencontrait par dans ses œuvres précédentes, ou peu. En somme, le meilleur était déjà derrière lui : mais on y croit fort, encore, et toujours.

* Chemin de Croix, de Dietrick Bruggemman: Après le martyr trash de Aux mains des hommes, la petite sainte du dimanche ! Sur un concept moins gadget qu'il n'y paraît (quatorze séquences bâties sur le calvaire de Jesus), une adolescente de quatorze ans du nom de Marie (bien évidemment) se détruit à petit feu au nom de Dieu. Un portrait glaçant, où l'on oublie la froideur apparente par la tristesse qui boue dans des échanges quotidiens (Bruggemman a un vrai talent pour filmer le malaise grandissant). Bien que remuant (évoluant dans un milieu catho fondamentaliste, Marie s'empêche de vivre et subit la colère d'une mère dure comme du roc) et porté par des actrices exceptionnelles, Chemin de Croix se conclue dans une douceur noire hélas tout sauf surprenante, qui pèche par un vrai manque de puissance et de férocité. Un sujet à la Bunuel pour un traitement à la Haneke : être sage n'était pas la conduite conseillée pour un tel exercice.

* Lilting, ou la délicatesse, de Hong Khaou: Au fin fond d'une maison de retraite qu'elle ne supporte pas ; une mère, à présent seule, rumine sa tristesse sur fond de papier peint : personne ne parle sa langue et son fils vient de mourir, laissant aussi un compagnon chamboulé. Celui-ci tente de s'introduire auprès de la vielle femme, qui le ne connaît pas, et n'a jamais eu vent de l'homosexualité de son fils. Plutôt qu'une joute verbale, Liltingemprunte la voix d'une lettre douce, écrite avec des larmes et du cœur, avec autant de thèmes rares et précieux à disposition (le coming-out, la vieillesse, le deuil, la communication). Empli de délicatesse (trop?) comme son titre l'indique, le résultat joue la carte du mélo sobre, qui saura attendrir ceux qui le veulent bien. Beau sujet, beaux acteurs, beau moment.

Massacre à la Tronçonneuse (1974) Tobe Hooper : Sick Sad World

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À son époque, Texas Chainsaw Massacre fut un interdit, un pavé dans la mare, une révolution. Un objet fédéré, qu'on se passait presque sous le manteau (malgré un passage remarqué à Avoriaz), qui quittait petit à petit son statut de légende urbaine pour atteindre celui de classique. Tout comme La nuit des morts-vivants puis Evil Dead en leur temps, ce qui n'aurait pu être qu'une simple série b deviendra une leçon de cinéma et un modèle pour tous les bricolos un peu tarés du cinéma.


1974 – 2014 : aujourd'hui, le film fête ses quarante ans, revenant dans une copie flambant neuve qui fit hésiter les puristes ("pourquou vouloir nettoyer un film si crasseux ? ") avant de s'imposer en redécouverte indispensable. Un bien beau cadeau à une œuvre beaucoup moins hasardeuse que ses congénères de l'époque, et fignolée avec une incroyable maestria, que Hooper abandonnera dans la suite, inégale, de sa carrière. Les nombreux – et superbes – travellings, les contre-plongées, les tableaux de désolations à la fois étouffants et sublimes (ciel bleu dévorant, nuit sans fond, aube dorée). Rarement dans le cinéma d'horreur, la texture des décors avait semblé aussi palpable, avec ces herbes brûlées par le soleil, ces murs qui s'effritent, ces charognes pendues ou ce générateur électrique annonçant la célèbre tronçonneuse. 
Bruit de cercueils cassés dans l'obscurité, os séchés, viande ruisselante, cadavres encore agités de spasmes : une proximité macabre inédite en son temps, radicale et sans détour. Le générique, sur fond de marques solaires rougeoyantes et de faits divers sordides, donne le ton : l'Amérique est un triste monde tragique.



Cauchemar du flower-power, conte de fées putride (ces bois en pattes d'araignées, digne de la forêt de Blanche Neige de Disney), faux slasher (le film évoque déjà l'iconisation du masque de terreur et de l'arme toute-puissante, le sacre de la final girl...), cartographie sans pitié des States : les milles et une facette de Massacre à la tronçonneuse fascinent encore et toujours. Sa manière de suggérer la violence fera peu d'émules (les suites dévoileront, en terme graphique, tout ce que Hooper avait tenté de nous cacher), mais ces dégénérés feront indéniablement des petits, bien que Délivrance et 2000 Maniaquesavaient déjà tâté du terrain côté rednecks. Hooper laisse l'imagination courir, avant que les séquelles ne révèlent le pot aux roses. 

Mais à contrario d'un Psychose plus feutré, la réutilisation du mythe d'Ed Gein se fait ici dans la plus totale crudité, avec ce mobilier humain nous faisant écarquiller les yeux aux quatre coins de l'écran. L'humain, recyclé comme au temps de l'Holocauste, devient masque, lampe, chaise, gri-gri, nourriture sans doute (le cannibalisme n'est encore que sous-entendu dans cet opus) : l'homme est relégué à son statut de barbaque et d'animal à découper.


L'humour noir distillé à petites gouttes (Franklin l'handicapé, semble être le souffre douleur du film, et Leatherface, boucher de l'enfer, est un poupon travesti compensant sans doute avec sa lame, idée que sa suite exploitera avec jubilation), les cris inondant de plus en plus la bande-son, l'art de filer droit comme un train qui hurle : Hooper a un sens du crescendo remarquable, qui éclate dans un climat d'hystérie collective donnant l'impression de s'engouffrer dans un asile grand ouvert. À bout de souffle, les dernières minutes restent un sommet d'horreur crépusculaire, avec cette danse vrombissante sur fond de soleil levant, qu'un cut définitif achèvera dans les mémoires. Un chant de mort indémodable.

LE BONUS : INFLUENCES À LA TRONÇONNEUSE 

* Night of fear (1972) Terry Burke : On pourrait vous parler de Wake in fright, autre grand film australien sur l'enfer rural, mais ce Night of Fear, aussi obscur que inédit de partout, a davantage d’accointances avec le film de Hooper. À l’origine, celui-ci était le pilote d'une série tv baptisée Fright (façon Tales from the crypt and co) qui ne verra hélas jamais le jour : il faut dire que ce premier (et dernier) essai avait frappé fort et s'est vu condamné fissa par la censure. Trop fou, trop bizarre, autant pour le cinéma que pour la télé, cet ovni complètement dégénéré finira abandonné. Plutôt triste lorsque l'on découvre ces 50 minutes haletantes, sans aucun dialogue, où une jolie blonde se plante en voiture et finit poursuivie par un fermier ravagé du ciboulot. L'atmosphère déliquescente (sexuellement plus dérangeante encore) qui fera le bonheur de Hooper est déjà là en filigrane, le tout d'une cruauté et d'une inventivité (le montage, complètement fou, évoque un cauchemar éveillé) constante.

* L'abattoir humain (1973) William Girdler : On a connu ce brave artisan de Girdler bien plus en forme à l'avenir (Grizzly, Day of the Animals...) avec ce petit film grindhouse à l’intérêt quasi-documentaire. Car inutile de le cacher : Three on a Meathook (de son vrai nom) est vraiment très très mauvais ! Excessivement bavard, mou, ringard, même pas drôle : on est pourtant en présence d'un des rares pré-slasher complètement oublié de cette époque (comme le british The Haunted house of horror) : ainsi, quatre copines se paument dans la cambrousse et se font alors dézinguées une par une (les quelques meurtres gores sont d'ailleurs ce qu'il y a de plus réussi) par leurs hôtes, des paysans du cru pas si accueillant. Des dérives annonçant clairement l'atmosphère rurale de TCM (fermiers louches et boucherie pas très catholique). Du massacre donc, mais sans tronçonneuse.

* Deranged (1974) Alan Ormsby & Jeff Gillen : Si TCM se contentait de reprendre des éléments de l'affaire Ed Gein, ce Deranged, d'ailleurs longtemps resté dans l'ombre, en est une retranscription plus officielle, bien que les noms furent changés. Il faudra In the light of the moon en 2000 pour un biopic plus détaillé du célèbre collectionneur nécrophile : mais il faut avouer qu'en attendant, cette variation trash de Psychose faisait tout aussi bien l'affaire. Se retrouvant seul à la mort de sa mère, Erza Cobb (incarné par l'impayable Roberts Blossom, dont le physique de "jeune vieillard" ne passe pas inaperçu) se met en tête de reconstruire le corps abîmé de sa génitrice, qu'il est allé bien sûr repêcher au cimetière du coin. Fatalement, les cadavres des tombes voisines ne suffiront plus et des victimes, vivantes elles, suivront. Très porté sur l'humour noir et le grotesque (pas toujours volontaire, comme ce présentateur moustachu interrompant sans cesse l'action !), Deranged frappe fort par son atmosphère lugubre, volontiers plus bizarre et gerbante que celle du film de Hooper : à tel point qu'on en viendrait presque à sentir les effluves des cadavres en décomposition. Réalisé la même année, hanté par la même imagerie "edgeiniene" (on assiste même à une scène de repas similaire), on ne saurait dire si l'un des deux aurait inspiré l'autre. Restons-en à l'heureux hasard....

* La colline a des yeux (1977) Wes Craven : Si La dernière maison sur la gauche (au même titre que TCM) avait eu un impact non négligeable malgré son amateurisme, on ne peut pas en dire autant de La colline a des yeux, qui ressasse une vague légende de famille sauvage, pour mieux se démarquer du film de Hooper avec un clash tragique entre deux clans, l'un civilisé, l'autre primitif et cannibale, dans le désert californien. Hormis la découverte de la tronche hallucinante en pain de sucre de Michael Berryman, il faut avouer que ce petit classique traverse bien mal le temps : risible, ramassé et vieillot, autant dire que le remake d'Aja s'imposait sans soucis. Ce qu'il en reste ?  Les miettes thématiques de La dernière maison... (la barbarie derrière l'homme civilisé). Sa suite, réalisée en 1985, fera encore pire.


* Le crocodile de la mort (1978) Tobe Hooper : Réponse plus qu'évidente au succès de son œuvre phare, ce Eaten Alive ne connaîtra pas les mêmes honneurs, même s'il rejoignit également la fameuse collection de Rene Château des "films que vous ne verrez jamais à la télévision". Après Ed Gein, c'est Joe Ball (un paysan texan psychopathe qui jetait ses victimes en pâtures à ses crocodiles d'amour) dont s'inspire Hooper et son scénariste Kim Kinkel, ici aidés par un budget plus conséquent. Plus violent, plus grinçant mais moins percutant, ce "on prends plus ou moins les mêmes (on retrouve même Marilyn Burns en gueuleuse de service) et on recommence" ne sera pas une bonne expérience pour Hooper, qui quittera le plateau et laissera un autre quidam terminer le boulot. Il y a pourtant une vraie alchimie bizarre dans cette serie b méchante à souhait (la faux remplace d'ailleurs la tronçonneuse), en particulier dans l'utilisation les décors studios, irréalistes mais anxiogènes, comme un mauvais songe dont on n'arrive pas à sortir.

* Tourist Trap (1979) David Schmoeller : Sans aucun doute le démarquage le plus intéressant et le plus malin du film d'Hooper, qui part d'un canevas identique (des jeunes adultes paumés dans un coin aride, une station service zarbi, une maison isolée : même le tueur porte un masque le faisant ressembler à Leatherface !) pour s'aventurer ouvertement dans le cauchemar eveillé façon Quatrième Dimension, tout en modernisant le mythe du musée de cire par le le slasher (ce dont se souviendra La maison de Cire, qui lui piquera quelques idées). La scène d'introduction, qui laisse pantois, guide un perso chair à canon vers sa mort tout en accumulant les détails bizarres (comme ces apparitions dérangeantes de mannequins semblant doués de vie).  Entre la musique lancinante de Donnaggio, ces faciès grimaçants surgissant dans la nuit et ce goût pour la poésie et l'hystérie, voilà un bijou tordu comme on les aime.

* Nuits de Cauchemar (1981) Kevin Connor : Imaginez un épisode de Shérif fais-moi peur avec du fermier cannibale au milieu, et vous aurez une idée que ce Motel Hell (titre original renvoyant à la devanture défectueuse du décor principal), devenu culte pour ses quelques idées branques mais hélas bien surestimé. Un couple de rednecks, frère et sœur, récupère les touristes égarés et autres auto-stoppeurs pour agrandir leur potager humain (!) et en faire des plats pas vraiment vegan. Relativement bien emballé, le résultat laisse pourtant de côté son prétexte horrifique jusqu'à son derniers tiers, beaucoup plus délirant: en témoigne l'apparition de Rory Calhoun en cochon armé d'une tronçonneuse, soit le premier jambon psychopathe de l'histoire du cinéma. C'est peu, mais c'est déjà pas mal.

* Le sadique à la tronçonneuse (1981) Juan Piquer Simon : "You don't have to go to Texas for a chainsaw massacre" scandait l'affiche ! Pourtant, il s'agit plus d'une réponse européenne à la vague du slasher qu'une resucée du film de Hooper (auquel il ne fait qu'emprunter la fameuse arme), Pieces est un bon gros film bis qui tâche, écartelé entre des relents nanardesques (vf anthologique, karaketa surgissant de nulle-part, rebondissements débiles) et une violence graphique tantôt crasse, tantôt stylisée. Il n'est évidemment plus question de suggestion ici, mais plutôt de générosité (fini le hors-champ et bonjour le charcutage), jusque dans une incroyable mise à mort au ralenti sur un matelas pneumatique, dont la cruauté n'aurait pas déplu à un certain Argento. Quant au sursaut final, hésitant entre l'effroi et la bêtise la plus totale, il résume bien l'interêt de la chose.

* Mother's Day (1981) Charles Kaufman : Pas très loin de la parodie, Mother's Day s'en tire pourtant bien mieux que certains de ses congénères : la touche Troma (c'est le frère de Lloyd Kaufman, patron de la firme, qui réalise) y est sans doute pour quelque chose. Survival champêtre à bases de bouseux consanguins, le résultat détonne surtout de par son humour noir, sa violence outrancière et des personnages féminins bien décidés à en découdre (dont la mère du titre, une matriarche maniaque clouée sur son fauteuil roulant). Un spectacle bien allumé, jusqu'au à son épilogue presque flippant. Notons par ailleurs que si son remake de 2010 est si réussi, c'est surtout qu'il n'entretient pratiquement aucun rapport avec l'objet du délit. Et tant mieux dans un sens.

Cin'Express #15 - Novembre 2014

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* L'incomprise, de Asia Argento : Plus discrète, moins méchante, plus posée, plus  "maman", Asia Argento revient et nous cause encore d'une enfance qui se consume dans les cris. Ballottée entre deux parents borderline et caractériels, la petite Aria (changez une lettre et voilà) erre entre deux maisons, entre deux couloirs, entre deux crises. On guette les miettes auto-biographiques (artiste traversée d'élans ésotériques, le rôle de Charlotte Gainsbourg évoque de temps à autre Daria Nicolodi, mère d'Asia à la ville) et on se laisse emporter par la fraîcheur de la jeune interprète. La fantaisie, la lucidité et la rage punk de la réalisatrice occasionnent des moments féroces, mais on voit vite où la belle veut en venir : le film finit par tourner en rond et se termine dans une urgence maladroite. Cherchant maintenant à isoler son métier d'actrice, on espère tout de même que la jeune femme trouvera de nouvelles choses à dire, au risque de continuer à se marteler le cœur.

* Une nouvelle amie, de François Ozon : Il est entendu qu'Ozon ne parviendra pas à retrouver la subversion qui agitait ses débuts. Mais il essaye, il tente : on aime bien. Une nouvelle amie est de ceux là, renouant avec un sujet aux couleurs LGBT déjà glorieusement abordé par Dolan (le cross-gender en l’occurrence). Vendu comme un thriller malsain (problème de com' ? Promo mesquine ?), Une nouvelle amie est surtout une belle romance couleur arc en ciel, où un veuf retrouvant goût à la vie par le travestissement, fascine la meilleure amie de sa défunte épouse. Entre comédie et drame, Ozon jongle avec ce qu'il préfère (des parfums nécrophiles renvoyant à sa première période et à Hitchcock, un Duris tout en kitcherie, des chansons populaires magistralement utilisées), s'amuse et trouble, et émeu souvent (la très belle scène dans la boite gay). Un joli doigt d'honneur aux excités du gender et aux manifestants bleu et rose.

* Respire, de Mélanie Laurent : Après le bashing, la réconciliation ? Actrice remarquée mais guère futée, Mélanie Laurent revient à la réalisation avec un teen-movie pas aussi frais et optimiste que son affiche le laisse entendre. Surprenant donc. Ni histoire d'amour, ni belle histoire d'amitié, Respirec'est plutôt la lol génération en pleine déconfiture, avec la relation entre une ado simple et aimée et la nouvelle de l'école, une blonde au caractère bien trempée qui va se révéler scandaleusement corrosive. Le thème de la perversion narcissique est ici traitée sans sensationnalisme, et se montre même terrifiant (puisque scandaleusement ancré dans la banalité du quotidien) jusqu'à la dernière image. Outre deux actrices vedettes très en forme, c'est le climat anxiogène qui dénote une vraie maîtrise de la tension, comme un étau qui enserre le spectateur et le personnage principal en un tour de main. 

* Eden, de Mia Hansen-Love : Un sujet ambitieux - en l'occurence la french touch - tourné totalement vers l'hexagone et rarement (voire jamais) abordé : Edenétait prometteur. Mais cette fresque musique sur les aventures d'un DJ biberonné au Garage s’essouffle diablement vite. La raison ? Jamais la réalisatrice ne réussit à rendre touchant cette suite de vignettes souvent incroyablement banales, et qui refusent catégoriquement de faire corps avec la musique qu'elle aborde. Une œuvre plate et interminable, parfois réveillée à coup de Daft Punk (qui traversent le film au détour d'un running gag) ou par la gouaille de Vincent Macaigne.


* Interstellar, de Christopher Nolan : Un peu d’esbroufe, un peu de paillettes, de stars et boom : Nolan vous a eu. Sous influence Spielberg (qui était sur les starting blocks à l'origine), le monsieur blockbuster du moment scrute les étoiles et fait pleurer tout son casting quatre étoiles. C'est là la plus grande surprise d'Interstellar : faire passer son cinéma glacé habituel à du mélo SF qui chouine du côté de 2001. Moins bavard, plus spectaculaire, (beaucoup) plus concis et plus sensationnel, Gravity lui brûle hélas la priorité côté suspens spatial. Reste Hans Zimmer qui se prend soudainement pour Philip Glass avec une composition massive toute en orgue et en mélancolie.

* Nightcall, de Dan Gilroy : Vendu comme un sous-Drive (jusque dans son retitrage parfaitement inutile), Nightcrawler partage en effet quelques références communes avec le chef d'oeuvre de Refn (Friedkin, Mann, L.A la nuit, des bagnoles...) mais s'arrête gentiment là. Outsider maigrichon aux yeux fou, Jake Gyllenhal change de cap et de peau en strider vampirique, qui hante les nuits de la cité des anges en filmant les pires horreurs pour satisfaire l'audimat. Carré, acide, élégant, ça tire sur l’éternel voyeurisme télévisuel sans dire quelque chose de nouveau. Parfois longuet, rarement renversant, trop prévisible, la mécanique huilée s'enraye à mi-parcours. Reste le numéro de son acteur vedette, inattendu en Patrick Bateman de la caméra.

* La prochaine fois je viserais le cœur, de Cédric Anger : Au pire des cas, on attendait un téléfilm F3 un peu glauque, avec Canet qui nous fait encore le coup du contre-emploi derrière des arbres morts. Le résultat final, lui, est un surprise inespérée. Dès le début, troublant et brutal, on sait déjà qu'on est loin de Louis la Brocante. Esquissant à merveille la psyché de son tueur (un policier partant enquêter sur ses propres meurtres !) sans chercher à la déloger de tout son mystère (schizo ? Homo refoulé ? Misogyne allumé?), cette plongée dans la grisaille campagnarde captive, et apprend à savourer les instants bizarres (le film s'ouvrant et se conclue dans le plus grand mystère sur une photo languissante de David Hamilton) ou éprouvants (des attaques impitoyables). Une sacré bonne surprise.

* [REC] 4 Apocalypse, de Jaume Balaguero : Difficile de déterminer quel est le plus triste dans cette affaire : qu'il s'agisse du plus mauvais film de Balaguero ou qu'il conclue pitoyablement une saga qui ne s'imposait pas ? Dans un cadre pourtant inhabituel au film de zombies/contaminés, en l'occurence un bateau, ce quatrième opus tente de recoller les morceaux entre le dyptique initial et le troisième volet, qui n'était qu'un spin-off. Mais comme le Titanic en son temps, l'entreprise prend l'eau et coule de toute part : personnages sans intérêts (militaires à la chaîne, héroïne antipathique et geek bouffeur de barres chocolatées), scènes d'action filmées à la truelle, péripéties faisandées (on pique même le moteur de hors-bord de Zombie Holocaust), zéro idées, ambiance foirée...heureusement, c'est quand même la fin.

Mais Ne Nous Délivrez Pas...de la fin !

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La rareté des articles et le tempo pianissimo du blog ces temps-ci n'est pas dû à un relâchement de votre humble serviteur. Ni à une fin d'année peu excitante. En vérité, Mais ne nous délivrez pas du mal va se laisser mourir...pour renaître ailleurs ! Nouveau titre, nouvelle interface, et quelques nouveaux articles qui mijotent dans leur coin : à quelques exceptions près, toutes les anciennes chroniques, ainsi que les sections, seront également de retour. Rien ne sera donc perdu.
Le lancement du nouveau site se fera bien sûr dans les jours à venir...


Et la lumière fut..

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D'ici quelques jours, Mais Ne Nous Délivrez Pas Du Mal va donc définitivement fermer ses grilles, et ceci après trois ans et demie de loyaux services. La plate-forme blog a laissé place à un nouveau site, qui n'a évidemment pas fait disparaître tout ce dont vous avez pu vous repaître ici. Une nouvelle aventure en somme.





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