L'été au cinéma, c'est décidément toute une histoire : soleil de plomb, monstres marins, amours ensablés et on en passe. Du film culte à la série b obscure, du gore au mignon, en passant par les rendez-vous manqués et les indispensables, voilà quinze films qui vous feront venir sunlight et coups de soleil jusque dans votre télé. Un peu de crème avec ça ?
* Les révoltés de l'an 2000 (1976) Narciso Ibanez Serrador : Un chef d'oeuvre de l'âge du cinéma fantastique espagnol très largement réhabilité grâce à sa sortie chez Wild Side Video. Une reconnaissance d'ailleurs tardive pour ce successeur parfait au
Village des damnés (à se demander même s'il n'est pas meilleur que le classique un peu vieillot de Wolf Rilla), où un couple las des villes touristiques prend le large et débarque sur une île uniquement habitée par des enfants aux sombres desseins. Au delà de ses scènes chocs qu'il vaut mieux taire avant visionnage, on est toujours ébahi par la maîtrise de Serrador, qui contourne le cliché des éternelles nuits froides du cinéma d'horreur par un soleil écrasant et des ruelles immaculées. Son atmosphère incroyablement lourde et sa cruauté impitoyable lui assurent une aura toujours aussi inquiétante.
* La meilleure façon de marcher (1976) Claude Miller : Contrairement au très drôle
Nos jours heureux, Miller ne s'était pas pas servi du cadre la colo pour se limiter à la farce. Bien sûr son film est occasionellement drôle, et son atmosphère bon enfant rappelleront à beaucoup de (pas) jolis souvenirs, mais le coeur du film se trouve ailleurs. Plus précisément, il s'agit de l'affrontement entre Phillippe, moniteur effeminé et sensible (un rôle extraordinaire pour Bouchitey), et Marc, macho grande gueule et ordure ambiguë. Un télescopage sans fard et douloureux des rapports masculins et sa farandole de dominations viriles, de préjugés assassins et de craintes refoulées. Seul bémol de ce chef-d'oeuvre : une conclusion dépassée et douteuse suivant pourtant un duel final au sommet. Un conseil : arrêtez bien avant le générique.
* Island of death (1978) : Nico Mastokaris : Totalement inédit en France,
Island of Death fait parti de ces fleuron du bis tellement allumés qu'on se demande encore comment ils ont pu échapper à tout statut culte. Sous couvert de suivre les exactions d'un couple de détraqués pourtant beaux et sains au premier regard,
Island of Death n'est qu'une enfilade de scènes immorales flattant les bas instincts du spectateur, tiraillé à la fois par le grotesque des situations et des personnages, et par l'efficacité de sa réalisation. On assiste hébété à la crucifixion d'un peintre français, au viol d'une chèvre, à des hippies harponnés, à un mariage homosexuel terminant dans le sang ou à une couguar fan de douche dorée qui se fera décapiter à la grue quelques scènes plus loin. A la fois décomplexé, fascinant et ravagé, il reste à ce jour l'exemple le plus fou du cinéma grec.
* L'hôtel de plage (1978) Michel Lang : Au rayon évidence,
Les maris les femmes les amants ou encore
Le Skylab, auraient pu s'inviter à la fête; mais il était sans doute encore plus intéressant de revenir à la source même, à savoir ce très fameux
Hôtel de la plage qui se dressait au milieu de beaucoup d'autres comédies rurales et vacancières (
Un moment d'égarement,
Pleure pas la bouche pleine,
Les joyeuses colonies de vacances, À nous les ptites anglaises...). Pourtant, s'il y a bien un film qui cristallise à merveille cette "bulle" que représente les grandes vacances c'est bien lui. Le scénario, si on peut en parler ici, n'est qu'une excuse pour aligner des situations cocasses et romantiques durant le séjour d'un groupe de vacanciers en Bretagne. L'habilité de Lang, ce n'est pas de chercher les gags énormes, mais de dresser un portrait vivace et croustillant des plus jeunes comme des plus vieux. Et ça marche. Le charme de son atmosphère rétro embellie le film comme un album photo que l'on ressort à l'occasion. Et ce qui touche le plus ici, c'est l'émotion qui vient naître sans s'y forcer (bien que la chanson mythique de Mort Shuman entouré pour l'occasion de Sheila, Souchon ou de Richard Anthony, y est pour quelque chose) avec un regard attendrissant sur des moments faussement banals mais réellement précieux.
* Anthropophagous (1979) Joe d'Amato : En pleine âge d'or "flesh and blood" (grosso modo, du cul et du sang à tous les étages); Joe d'Amato laisse un peu tomber les vapeurs sulfureuses pour le sang fumant. Le résultat n'a certes rien d'un chef d'oeuvre, vague copie de
Massacre à la tronçonneuse se déroulant cette fois sur une île grecque, avec un gigantesque ogre cannibale en guise de bourreau. Mais malgré ses scories (qui en font une oeuvre plus maladroite que le
Blue Holocaust du même auteur), le film se rattrape au vol par une atmosphère très différente du film de Hooper, où tout invite perpétuellement au malaise : ruelles vides, cave obscure, manoir au parfum de cadavre, catacombes, musique maladive... Même George Eastman, le beau géant du cinéma bis italien, impressionne encore en auto-antropophage (toute la publicité et la réputation du film tournaient autour de cette scène finale où il se dévore lui-même les tripes !), avec, à la clef, une terrifiante scène d'apparition nocturne dont d'Amato pouvait être particulièrement fier !
* Comédie érotique d'une nuit d'été (1982) Woody Allen : Un très joli cru de Woody Allen - et malheureusement un peu oublié - s'échappant ici de la grande pomme pour une escapade légère et campagnarde réunissant trois couples à l'occasion du mariage d'un professeur cartesien. Près d'un bois où flottent semble t-il quelques esprits, les corps s'échauffent, tous curieux de démeler les mystères du désir et de l'amour. Le choix de la société corsetée du 19ème comme contexte n'a rien d'un hasard : Allen y célèbre d'autant plus brillamment la loi du désir et les joies de la chair - sans en montrer toutefois - avec une fraîcheur revigorante.
* L'été meurtrier (1983) Jean Becker : Un bel exemple de cinema français populaire, replaçant un contexte tirant entre le film noir (femme fatale incluse) et le rape and revenge dans une petite communauté rurale comme tant d'autres. Malgré la gravité progressive du sujet, Becker n'y manque ni d'humour ni de tendresse (le très joli personnage de Cognata, incarné par la regrettée Suzanne Flon), donnant à Adjani l'occasion de jouer les fleurs sauvages (la Betty de Beinex prend des notes...) au milieu de belles figures du cinéma français. Le témoin d'un temps où l'on pouvait réaliser un thriller bien de chez nous, sans pour autant copier sur les voisins, en se passant des concessions, mais sans oublier pour autant de séduire le grand public.
* Massacre au camp d'été (1983) Robert Hiltzik : Erzatz sans peur et sans reproche du très moyen
Vendredi 13, ce
Sleepaway Camp a beau être inférieur qualitativement parlant à son concurrent
Carnage (autre tentative marquante de slasher en camp d'été), il n'en reste pas moins aussi, voire plus intéressant. C'est ainsi qu'à l'arrivée d'une élève timide, les morts se succèdent dans un camp apparemment sans histoires. Le suspens a beau être vite émoussé (sans compter que le twist final est aujourd'hui bien connu des amateurs) et le rythme assez pataud, le jusqu'au boutisme plutôt dérangeant de l'entreprise (les méthodes brutales du tueur, comme le viol d'une gamine à l'aide d'un fer à friser !) intrigue encore. Il est à ce titre l'un des trop rares exemples de slasher queer à la fois sordide et audacieux, aussi bien de son époque que de nos jours !
* L'année des méduses (1984) : Dégagé au dernier moment du tournage de
L'été meurtrier, Valerie Kaprisky crie vengeance et part se dévêtir dans ce chassé croisé médusant sous le soleil de Saint-Tropez. Produit racoleur et incisif où les seins bronzés frétillent au rythme de Nina Hagen,
L'année des méduses se voit encore aujourd'hui comme une tentative putassière de pseudo "liaisons dangereuses" baignant dans le sable chaud, avec un défilé topless sans pudeur particulière. Mais son casting béton (Bernard Girodeau en mode frime et Caroline Celier épatante) le rend encore curieusement jouissif.
* Bonjour les Vacances (1984) Harold Ramis : Un des fameux titres de la collection (pas spécialement glorieuse) des
National Lampoon, ces comédies parrainées par le célèbre magazine u.s du même nom. Il s'agit ici du premier volet mettant en scène la famille Griswold, qui sillonne les routes américaines à l'assaut d'un célèbre parc à thèmes. Bien qu'inégal (une dernière partie de trop), le résultat fait encore grincer les dents par sa méchanceté surprenante (on est loin de l'humour d'une sitcom familial) où tout le monde s'en prend décidément plein la tronche. Mené par Chevy Chase, la belle famille connaîtra de nouvelles aventures dans une second film, cette fois en Europe (on l'on croise Eric Idle et Alice Saprich !) puis enfin une conclusion hivernale avec
Le Sapin a les boules. Inutile dire que la présence de John Hugues à l'écriture contribue fortement au capital sympathie de ces escapades pas très fines certes, mais assez jouissives.
`
* Calme Blanc (1986) Philip Noyce : Une excellente alternative au thriller domestique, ce sacro-saint schéma du thriller u.s où un outsider détruit la vie de brave gens honnêtes. Loin des agitations moralisantes et puritaines,
Calme Blanc prolonge (de manière bien plus réussie) la première partie de
Plein Soleil, où le personnage de Delon manipulait avec douceur ses hôtes sur un yacht brûlant. Moins sage, le psychopathe incarné par Billy Zane entend bien transformer la virée maritime d'un couple endeuillé (Nicole Kidman et Sam Neil, excusez du peu) en enfer. Érotisme moite (gueule d'ange au corps d’Apollon, l'intru entend bien posséder la belle femme apeurée du couple), gestion du décor admirable, tension salée : grand film.
* Regarde la mer (1997) François Ozon : Tentative remarquée et choc d'Ozon, pas encore sorti de sa période court, mais pas encore tout à fait côté long. On y retrouve sa joie passée à déployer une trame cruelle, lourde, qui appuie le malaise d'une scène à l'autre. Tout s'organise dans le mystère de cette rencontre entre la mère d'un bébé isolée près de la mer et d'une routarde, flippante Marina de Van qui contemple le rayon charcuterie et caresse les tombes ouvertes. À la lisière du cinéma d'horreur sans s'y engouffrer, étrange et rempli de non-dits, hanté par des détails troubles (observation du corps féminin, de ses rejets et de ses désirs, ogresse moderne, forêt interdite où l'on partouze à l'ombre), il reste sans doute l'oeuvre la plus forte et la plus dérangeante du cinéaste.
Psycho Beach Party (2000) Robert Lee King : il s'agit sans doute du plus étonnant rejeton de la vague des neo-slashers post
Scream, bien que l'aspect horrifique y soit relativement mis en retrait (sans compter que le film pourrait même paraître assez sage aujourd'hui). Mais plutôt que de s'inscrire dans le sillage de
Scary Movie ou de
Student Bodies, le film de Robert Lee King s'approprie l'imagerie des beach movies ayant sévis à l'aube des sixties, avec ces parades de surfeurs idiots et de bikinis lascifs. Le tout pour la détourner à son tour, non seulement en la mariant de force avec le slasher (un meurtrier trouble la tranquillité des adolescents friands de sable chaud et de drive-in), mais aussi en la comblant par un esprit queer très proche de celui du
Rocky Horror Picture Show (sexualité débridée, personnages ambigus ou travestis, détails kitchs en pagaille) : une comparaison d'ailleurs à peine usurpée vu que le film est directement adapté d'une pièce déjà jouée à Broadway. Un spectacle enlevé, assumé et hors-normes (comme le sera le toujours plus fou
Reefer Madness quelques années plus tard) animé par un casting très "télévisuel", où l'on croise Lauren "
Six feet under" Ambrose, Thomas "
Dharma et Greg" Gibson, Nicolas "
Buffy" Brandon, Beth "
Sabrina" Broderick et même une certaine Amy Adams !
Y tu Mama Tambien (2001) Alfonso Cuaron : A l'heure de
Gravity, il est bon de rappeler que Cuaron est un touche à tout prodigieux qui réussit là où on ne l'attend pas foncièrement. La preuve en est que ses films se suivent mais ne ressemblent pas, exepté sur un point : la virtuosité. Après le grand bain hollywoodien (il sortait sa splendide adaptation de Dickens) Cuaron part se rafraîchir au Mexique avec ce road-movis grivois sur deux ados chauds comme la braise et une femme plus âgée tentée par l'aventure : on croirait dès lors avoir toutes les clefs de ce qui s'annonce comme une oeuvre légère et coquine. Non seulement Cuaron s'éloigne de l'influence Movida (qu'on trouvait dans un de ses premiers films, le très étonnant
Love in the time of hysteria) pour une esthétique presque documentaire, mais il révèle bien plus qu'une simple histoire d'amitié et de coucheries. Si la sensualité explosive du film fonctionne, c'est que Cuaron se donne les moyens de nous y faire croire avec un casting incendiaire et des plan-séquences faisant respirer une sexualité franche et un naturel sans faille. C'est l'art aussi de faire exister ses silhouettes au delà du film, avec une mélancolie qui vous frappe sans prévenir : il suffit alors parfois d'un regard caméra de Maribel Verdu, pour percevoir la magie à la fois discrète et terrassante d'une telle oeuvre.
* L'été où j'ai grandi (2004) Gabrielle Salvatores : Comme beaucoup de perles récentes (toutes ?) du cinéma italien, le film de Salvatores n'a jamais connu la reconnaissance qu'il méritait. Un fait regrettable pour ce conte troublant et lyrique se situant dans le sud de l'Italie, où un gamin trop curieux apprendra à découvrir le monde obscur et cruel des adultes. Jonglant avec les genres (drame ? thriller ? fantastique ?), basculant d'une émotion à une autre, tournaillant dans un scope éclatant, le résultat laisse admiratif.
En rab :- Plein Soleil (1959) René Clement
- Un Été 42 (1970) Robert Mulligan
- Les dents la mer (1975) Steven Spielberg
- Velluto Nero (1976) Brunello Rondi
- The Burning - Carnage (1981) Tony Maylam
- L'effrontée (1984) Claude Miller
- 37°2 le matin (1986) Jean-Jacques Beineix
- Le rayon vert (1986) Eric Rohmer
-
L'été en pente douce (1987)
Gérard Krawczy- Les Maris, les femmes, les amants(1989) Pascal Thomas
- Le Grand Chemin (1989) Jean-Loup Hubert
-
We hot American Summer (2001) David Wain
- Les Textiles (2004) Frank Landron
- Crustacés & Coquillages (2004) Oliver Ducastl
- My Summer of Love (2004) Paweł Pawlikowski
-
Le Skylab (2011) Julie Delpy