LE GRAND FRISSON PART I
On en a beaucoup voulu aux 80's de décomplexer le cinéma d'horreur, avec l'omniprésence quasi-systématique d'humour et d'effets spéciaux tapageurs. À présent, et en grande partie par nostalgie, on en revient beaucoup à regretter cette formule, une alliance par ailleurs pas aussi évidente qu'on le prétend ; n'oublions pas qu'elle n'exclue ni une vraie mise en scène, ni un véritable sens de l'atmosphère. Avec une emphase assez jouissive sur les monstres et les serial-killers, cette échappée a donné lieu à de véritables bijoux conciliant divertissement et frissons, comme le veut le bon vieux principe du train fantôme.
Soit treize titres idéals pour toute bonne soirée d'Halloween qui se respecte !
* Le monstre du train (1979) : Roger Spottiswoode: Après Vendredi 13, le 31 Octobre, Noël, la remise des diplômes ou le bal de promo, il fallait bien s'attaquer au nouvel an ! Et c'est donc le cas ici, puisque lors de la nuit de la nouvelle année, un groupe d'étudiants prêt à festoyer investit un train de nuit prévu pour l'occasion. Une excellente idée donnant l'occasion à Spottiswoode de gérer admirablement un espace restreint, ainsi qu'une ambiance de huis-clos hivernal assez unique. Autre petite précision, la final girl incarnée (évidemment) par Jamie Lee Curtis devra faire face à un tueur changeant de masque à chaque victime, profitant de la fête costumée ayant lieu à bord ! Malgré des réserves typique du genre (rythme en dent de scie, meurtres sans grand intérêt...),
Terror Train rebondit aisément sur ses bonnes idées, sa réalisation solide (belle photo de John Alcott, à peine sorti de
Shining !) et une dernière partie musclée et redoutable (avec en prime, un tueur plus flippant à visage découvert que masqué) où Curtis devra en découdre dans l'horreur, le chemisier débraillé et ensanglanté. Vraiment à redécouvrir.
* Massacre dans le train fantôme (1981) Tobe Hooper : Il fut un temps où Tobe Hooper, encore talentueux, explorait l'Amérique des grands malades. Conclusion à cette trilogie hypothétique,
The Funhouse est pourtant le plus mésestimé des trois, jeune loup débarquant après un terrassant
Massacre à la tronçonneuse et un suffoquant
Crocodile de la mort. Trop post-
Vendredi 13 ? Trop classique ? Trop soft ? On ne sait pas ce qui a valu l'oubli de ce slasher à l'atmosphère inoubliable, coinçant un troupeau d'adolescents en rut dans un train fantôme hanté par un monstre difforme (merci Rick Baker). À la rudesse de ses titres précédents, Hooper l'a joue taquin et amusé (le film s'ouvre sur une parodie de
Psychose), mais sans oublier de faire peur : dans un train fantôme, derrière les pantins grimaçants et les squelettes en plastique, un malaise indicible n'est jamais très loin...
* Le retour des morts-vivants (1985) Dan O'Bannon : Si Romero avait déjà commencé a démystifié ses propres zombies au sein de son oeuvre (ce serait oublier les traits d'humour de
Zombie), il a fallu attendre Dan O'Bannon, le scénariste d'
Alien himself, pour donner un bon coup de pelle aux revenants. Si vue de l'extérieur, le film s'apparente à une série b horrifique bien dans ses baskets et à la tonalité très comics (ce qu'il est, évidemment), on en a, avec le temps, oublié des qualités qui le déloge gentiment de sa place de simple petite pelloche de Samedi Soir. Avec un sens de l'atmosphère parfois digne du Carpenter de l'époque (c'est quand même flippant...), le film réussit l'incroyable équilibre en premier et second degré, tout en ne perdant aucune miettes de ses possibilités (des zombies quasiment indestructibles, l'iconisation d'une punkette exhibitionniste devenant une pin up des ténèbres, une scène d'intro hallucinante décrivant la propagation d'un produit chimique, une conclusion nihiliste au possible...). Avec toutes les séries Z qui l'imiteront sans succès (dont sa sympathique mais pitoyable suite) et même après la vague actuelle de film de zombies, ce
Retour des morts-vivants reste un cas en béton armé de classique indéboulonnable, en tout cas bien plus qu'on ne le croit.
* Demons (1985) Lamberto Bava : Avatar urbain et rital d'
Evil Dead,
Demons restera sans doute l'oeuvre la plus excitante de Bava junior (si l'on excepte son très impressionnant
Baiser Macabre d'un tout autre acabit), faisant ici surgir un virus démoniaque dans un cinéma projetant un slasher au rabais ! Le résultat, baroque, rock et toc, se balance entre les tares habituels du cinéma bis (personnages idiots et caricaturaux, monstres et maquillages outranciers, rebondissements débiles) et de sincères qualités (beaucoup de gore, une ambiance flippante et des idées folles, comme cette victime se perdant dans un dédale de rideaux avant de percer le grand écran, ou un carnage au sabre à bord d'une moto !), en faisant un des produits les plus réjouissants de son époque. Sa suite en l'occurrence, est un nanar quatre étoiles enchaînant les moments de grâce d'un autre monde (attaque de nain ou de chien démon, cavalcade de possédés sur fond de Dead Can Dance, massacre de culturistes fluos). Dans les deux cas, vous ne serez pas perdant !
* House (1985) Steve Miner : Avec un goût du grotesque rappelant parfois les E.C Comics,
House est un des plus curieux spécimen de film de maison hantée des 80's, puisqu'il troque les habituels spectres blafards contre une cohorte de goules, gnomes et autres sorcières spongieuses ! Une manière pour Fred Dekker (ici à l'écriture) de déjà préparer le terrain pour ses futurs monstruosités (voire plus bas)
... Sur un script faussement Kingien (un écrivain en mal d'inspiration tente de retrouver son fils dans la demeure maudite qu'il occupe), Miner fait apparaître toutes les créatures les plus improbables possibles à un tempo dès plus appréciable. Quant à ses suites plutôt tièdes (un second opus plus familial, un troisième lorgant vers les Freddy et un quatrième nanardesque au possible), elles lui arriveront à peine à la cheville.
* Spookies (1986) : Eugenie Joseph, Thomas Doran, Brendan Faulkner : Autant le dire tout de suite,
Spookies n'est pas à proprement parler un bon film (certains diront même sans réserve que nous sommes face à un nanar mais ce serait un peu trop s'avancer). Guidant des personnages d'une connerie abyssale (à peine arranger par une vf calamiteuse) dans un manoir envahie par les pires créatures de l'univers (zombies qui puent, femme araignée, gobelins, grande faucheuse fluo...),
Spookies est un ovni rapiécé (il est en parti constitué des chutes d'un autre film :
Twisted Souls) et contaminé par la logique du train fantôme : paradis pour maquilleurs drogués, les nombreux monstres transpirent tant et si bien l'excès d'inspiration et une approximation parfois douteuse, que le résultat amuse et dérange sérieusement. En d'autres mots, une oeuvre autre qui mérite pleinement l'attention des amateurs de bizarreries.
* La nuit des sangsues (1986)
The Monster Squad (1987) Fred Dekker : Sans aucun doute le diptyque le plus représentatif de cette liste ; et par bonheur, il s'agit de l'oeuvre d'un seul homme : Fred Dekker. Un artisan généreux et nostalgique qui avait eu l'idée géniale d'insuffler le meilleur du cinéma de la série b d'antan dans ce que les 80's avaient de plus succulent. Source d'inspiration à peine citée de
Slitter et de
Dance of the Dead,
Night of the Creeps démarre fort : une poursuite dans les coursives d'un vaisseau alien, un prologue en N&B où des tourtereaux partent en ballade alors qu'un fou furieux erre dans la ville : si le rythme s'affaisse un peu par la suite, on jubile de voir des zombies sanguinolents et des sangsues extra-terrestres semer la terreur dans un teen movie johnhughesque, avec en prime un très sympathique carnage final rappelant
Braindead avec quelques années d'avance (tondeuse à gazon en bonus !).
The Monster Squad louche quant à lui sur un autre versant des glorieuses eighties : Amblin. Rencontre inespérée entre
Les Goonies et les monstres de la Universal (Dracula, the Gil man, le loup-garou, le monstre de Frankenstein, la momie : ils sont tous là !),
The Monster squad surpasse son statut de gentille farce pour amateurs de par sa superbe réalisation (quel scope !) et son mordant (la présence de Shaun "
L'arme Fatale" Black au générique est un gage de qualité à ne pas renier).
* Night of the Demons (1988) Kevin S.Tenney : Surtout connu des amateurs en raison de ses misérables suites ayant squattés les bacs vidéos, la saga des
Night of the Demonsétait pourtant parti sur des bonnes bases, avec un
Evil Dead like (encore !) prenant place durant la nuit d'Halloween. Une bande de teens brailleurs y connaîtront une nuit de cauchemar dans un manoir où ça possède et ressuscite à tout va. Loin d'être une série Z au rabais,
Night of the Demons fait preuve de style, et le prouve lors d'un générique d'ouverture dantesque, sans doute l'un des plus beaux du cinéma d'horreur des 80's. Bizarrement sexy (une goth sulfureuse offrant une scène de danse mémorable sur fond de Bauhaus ou Linnea Quigley s'enfonçant un baton de rouge à lèvres dans le sein !) et joliment macabre (c'est loin d'être réalisé avec les pieds), on lui en pardonnerait ses facilités.
* Waxwork - Crimes au musée de cire (1988) Anthony Hickox : Artisan honnête de la série b de vidéo-club bien torchée, Anthony Hickox signe avec Waxwork ce qu'on trouve de mieux en divertissement horrifique ultra eighties ! David Warner y tient en effet un musée de cire où chaque statuette dissimule un monde parallèle lui étant dédié : une bande de sales gosses de riches (dont Zach "
Gremlins"Galligan et Dana"
Twin Peaks" Ashbrook) y verront l'occasion de se perdre dans des dédales de dimensions hostiles où les attendent Dracula (réservant une scène de massacre bien gore), le loup-garou, la momie ou encore le Marquis de Sade ! Assez méchant et inspiré, l'essai ne sera malheureusement pas dignement renouvelé dans une suite certes inventive (il est cette fois question de voyage dans le temps), mais trop cheap et éparpillée pour convaincre. Ce qui est loin d'être le cas de la première monture.
* Les Clowns tueurs venus de l'espace (1988) Stephen Chiodo : Que Stephen Chiodo et ses frères aient fréquentés un temps l'univers de Burton (à ses balbutiements pour tout dire) n'a rien d'un hasard à la vue de ce pandemonium sucré et macabre mettant en scène l'invasion d'une bande de clowns extra-terrestres et mangeurs d'hommes ! Empressés de transformer l'humanité en barbe à papa, les voilà redoublant d'ingéniosité pour embarquer le moindre étourdi dans leur vaisseau chapiteau : tarte à la crème sulfurique, voiture invisible, ombres mortelles, pop-corn vorace...
Se défilant d'une véritable responsabilité scénaristique (les personnages sont volontairement tartes et sans intérêts),
Killer Klowns amuse autant qu'il inquiète avec sa bande de Bozo caoutchouteux, où chaque apparition est l'occasion pour les auteurs de marier poésie, bizarrerie et déambulation cartoonesque.
* Le Blob (1989) Chuck Russell ; Après un monstrueux
Freddy 3 qui n'aurait pas fait tâche par ici, Chuck "
The Mask" Russell récidiva dans la série b hargneuse et bourrée à craquer de Fx en s'attaquant au blob, exemple type de la série b de SF dont les qualités tiennent davantage dans son charme rétro. Une nuit d'horreur attend ainsi une petite ville après la chute d'une comète dont s'échappe une matière informe prête à dévorer la terre entière. La beauté toujours intacte des effets spéciaux (un cuistot se fait happer par l'évier dans une scène impensable sur le papier et les déplacements incroyables du blob sont un beau gros fuck aux cgi actuels) et la cruauté permanente du spectacle (bodycount généreux n’épargnant ni les enfants, ni le prétendu héros vendu dans les premières minutes du film !) assurent encore aujourd'hui un grand moment de b-movie.`
* Trick 'r Treat (2007) Michael Dougherty : Nous ne sommes plus dans les années 80 certes, mais cet exemple (pas si) hors sujet paraissait avoir tout à fait sa place ici bas. Que l'un des meilleurs films d'horreurs des années 2000 soit resté inédit en France est une injustice sans nom qui, vu sa date de sortie américaine (elle-même chamboulée), ne sera sans doute jamais réparée. Dans une structure chorale évoquant
Pulp Fiction,
Trick 'R Treat fait parler le destin de plusieurs protagonistes de tout âge déambulant le soir d'Halloween, qu'on croit tout d'abord sans véritablement lien : un groupe de gosses cherchant à se faire peur, un petit chaperon rouge (Anna "
True Blood" Paquin) menacé par un vampire masqué, les complications d'un père de famille serial-killer...le tout traversé par la silhouette d'une créature masquée et facétieuse. Mêlant l'horreur baroque et comics d'un
Creepshow au sens de l'atmosphère d'un
Halloween, le résultat est un petit bijou de méchanceté à la fois somptueux, flippant et malin. À découvrir d'urgence !